A moins d’être une divinité, personne ne choisit donc le pays dans lequel il pousse son premier cri. S’agit-il d’un cri d’effroi, de peur ou de joie ? Toujours est-il qu’en tant qu’êtres humains pourvus du libre arbitre, les choix que nous effectuons dans nos vies à savoir l’amnésie, le silence ou la perpétuation du cri initial sont dépourvus de tout hasard. Si le choix est important, en comprendre les raisons est primordial et en assumer les conséquences est un acte de bonne hygiène de vie.
Dans le cas du Cameroun la peur est un état accompagnant chacun des trois choix possibles. Les amnésiques préféreront oublier les souffrances et les joies, se contentant de subir instantanément le cours des choses, de peur d’oser espérer mieux, ou moins pire. Les silencieux n’en diront mot, par dépit, ou de peur de s’engager sur des voies dilapidant quelques chances hasardeuses. Les crieurs ne se débarrasseront jamais de la totalité du masque triste de la peur. En effet, la crainte des inconséquences d’un cri entrant en résonnance dans la bonne oreille n’est pas une simple vue d’esprit. Lorsque la bonne oreille est soudaine prise d’acouphène, le trouble ou la douleur qui peuvent en résulter ont une fâcheuse tendance au renvoi à l’expéditeur, dans des tonalités autrement plus graves que celles du droit de réponse. Tristes tropiques écrivait Lévi-Strauss…
Cette omniprésence de la peur donne toute son importance aux raisons du choix. Comprendre les raisons du choix est primordial pour soi-même d’abord. A mon avis, et en ce qui me concerne, cette compréhension du « pourquoi je choisis de crier » est un véritable exorcisme destiné à extirper tous les démons de la peur dans le pouvoir d’exercer son devoir d’expression et d’engagement citoyens.
Le Cameroun est ce pays où personne n’a choisi de naître, c’est un pays où certains n’ont vécu qu’une infime partie de leur existence. Mais ce n’est pas une nation anodine, grâce à son histoire, ses richesses humaines et naturelles. Ce n’est pas une nation qui devrait en ce nouveau millénaire se laisser qualifier, l’air de rien, de « pays parmi les plus pauvres de la planète » et l’accepter comme la fatalité banale d’une république africaine subsaharienne. L’état de pauvreté de cette Nation est causé par un système dont les architectes et les jouisseurs se reconnaissent sous le sceau d’un courant de pensée libéral communautaire. De quelle idéologie tirent-ils leur souffle ? Serait-ce du nationalisme ? Du socialisme ? du libéralisme ou une combinaison abracadabrantesque des trois idéologies ? Je serai tenté de croire à ce que Deleuze qualifie de monstre sémiologique concernant ce libéralisme communautaire sans attache idéologique connue, ni vision politique exprimée en toute cohérence et transparence. L’ambition de ce monstre sémiologique semble se résumer en trois mots : conservation du pouvoir.
Le problème avec ce système hégémonique c’est l’installation et le maintien d’une inertie du confort brigand à tous les échelons de la société. Toute alternance étant froidement combattue, cyniquement asphyxiée et méthodiquement décapitée ; au fil des années, les errements, les erreurs, les fautes, les déséquilibres et les injustices installées par cet immobilisme destructeur s’accentuent, augmentant le poids des souffrances des uns, tandis-que les butins, les trésors et les trophées des architectes et jouisseurs du système infâme s’accumulent. Dans la compétition mondiale avide de bonne gouvernance, d’effort et d’agilité, le mammouth repus du libéralisme communautaire détruit l’image du Cameroun et entraîne le pays dans les bas-fonds de tous les classements mondiaux, sauf ceux de la honte. En effet, l’image démodée du système libéral communautaire, ses capacités de projection, d’anticipation, ou même de réaction sont à l’échelle de sa géologie révolue. Le cri est donc celui de la colère, le choix est celui du changement pour un système plus jeune, plus épatant, plus agile, plus énergique, résolument porté sur l’intégrité, la modernité, la prospérité de tous.
Il s’agit d’un acte de raison contre la poltronnerie, car la peur ne préserve pas du danger.
Manekang.
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