C’est anodin en apparence cette affiche blanche sur laquelle les deux mots « mieux
vivre » sont inscrits et bien mis en évidence. Dans les principales artères de Douala, elle
figure en bonne place, accrochée au-dessus de la chaussée, placardée sur les
murs défraichis de la capitale économique du Cameroun. Nous sommes en période
électorale au pays du héros national Ruben Um Nyobé. En tout cas, tous ceux qui
font de la politique leur métier primaire, secondaire ou tertiaire diffusent leurs
idées au grand jour. Les visions, les projets et les bilans sont moins
visibles au demeurant. Il faut peut-être mieux chercher ou regarder ailleurs…
Un peu moins de deux cent députés et de nombreux maires et conseillers
municipaux seront choisis par des citoyens peu enthousiastes à l’idée de signer
un nouveau chèque en blanc à certains représentants qui atteindront rapidement
leurs objectifs. L’engouement pour les inscriptions sur les listes en a pâti. Le
retour sur investissement pour certains heureux élus sera bien vite conséquent.
La santé, l’éducation, la sécurité, la culture et le bien-être citoyen attendront
encore. Phénomène tout à fait étonnant, peu de conseillers et maires semblent
résider dans le même quartier, la même ville ou le même village que leurs électeurs,
mais la loi ne s’en préoccupant pas ; la légitimité attendra. Quant aux heureux
députés ; ils se retrouveront au Palais des verres et les plus zélés travailleront
parfois quand les exigences du sommeil voudront leur accorder un peu de répit.
Tout n’est pas noir pour autant ; l’affiche du mieux vivre est la
lumière blafarde qui chasse l’obscurantisme d’une république assoupie telle un
vieux sage recherchant les souvenirs éculés dans son regard vague, un après-midi
chaud de décembre. Autre avancée, la fraude n’est plus grossière et paradeuse,
elle est devenue une armée de l’ombre disciplinée dans la défense d’une culture
marquée longuement par les malversations. Tout devient d’un blanc relatif quand
on s’interroge sur le temps qu’il aura fallu pour concevoir ce thème du mieux
vivre ensemble qui semble tenir le haut du pavé chez les idéologues libéraux
communautaires de la capitale économique du Cameroun. C’est alors que revient
cette érudition idoine de Mathias Owona Nguini, « Au Cameroun, on ne
combat pas la pauvreté, mais on la gère ».
Toute la nuance en effet entre le mieux vivre et le vivre mieux n’est pas
sémantique ; il y a un inconscient assumé du médiocre dans le mieux vivre,
un prélassement typique des estomacs alanguis, somnolents repus. Mieux vivre ensemble
c’est gérer parfois les pénuries, la pauvreté, les iniquités ; c’est accepter
une fois pour toutes l’indifférenciation du citoyen, tel le pion s’ajustant en
fonction des contingences de la vie, des urgences du quotidien et des désidératas
du sommet dirigeant. La promesse du mieux vivre est faible, mais est-ce même
une promesse ? Un constat on dirait ; constat d’échec. Inanition
imposant le partage du plus banal des projets. Mieux vivre la défaite. Brûlons
l’instant et oublions.
Par contre, la dynamique du vivre mieux traduit la volonté et la quête d’amélioration
d’une condition jugée insatisfaisante. Vivre mieux c’est juger qu’il est
possible de progresser en apportant des réponses qui transportent les élans
citoyens vers un mieux-être de chacun qui contribuera à la réussite et l’épanouissement
de tous. Vivre mieux c’est examiner un état de fait, l’analyser pour en
ressortir les problèmes, les frustrations, les manquements, les besoins, les
aspirations et alors proposer des solutions qui contribueront de façon
décisive au changement des vies par leur amélioration évidente, durable et
définitive. Vivre mieux c’est comme dirait Einstein donner le premier coup de
pédale et avancer en pédalant tous ensemble pour vivre mieux tous ensemble.
Manekang.
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