Le 21 décembre 1993, les troupes nigérianes prennent l'initiative de franchir la frontière camerounaise sous le prétexte de protéger leurs ressortissants qu'elles estiment menacés dans la péninsule de Bakassi par les « gendarmes » camerounais.
Ces forces armées nigérianes constituées de 2000 à 3000 hommes trouvent sur le territoire escompté une escouade camerounaise faite d'environ 40 hommes (30 éléments de la marine nationale, quelques gendarme et policiers) qui assuraient la mission d'intégrité territoriale en poste avancé et dont le Poste de Commandement se situait à Idabato I en décembre 1993.
Ces forces camerounaises, face à cette attaque surprise et le surnombre des troupes nigérianes, vont tout de même essayer de repousser les assaillants.
Déjà à l'intérieur du territoire camerounais, les forces nigérianes vont occuper au 21 janvier 1994 les localités de :
- Kombo A Bedimo et Inokoi (Bakassi Point)
- Jabane I et II (Sandy point)
- Diamond
Décidées à rallier le territoire nigérian à la rive sud du Rio Del Rey, les forces nigérianes vont multiplier les offensives et vont s'emparer en février 1994 de la localité d'Akwa (Archibong). Pendant ce temps, les forces camerounaises essayent de se mobiliser (Opération Delta). Et au cours de leur attaque sur la localité de Kombo A Janea, elles seront repoussées par le GOS en poste avancé. Cette riposte camerounaise sera considérée par le gouvernement nigérian comme « une déclaration de guerre », ce qui entraînera plus tard une intensification des hostilités.
Du 2 au 7 février 1996, les troupes nigérianes investissent plus en profondeur en territoire camerounais (15 Km vers l'est). C'était une attaque en force sur toute l'étendue de la presqu'île, des tirs à armes lourdes qui pilonnaient au sol les forces camerounaises. Cette offensive leur a permis d'occuper les localités telles que :
- Sous-préfecture d'Idabato I,
- Idabato II,
- Kombo Awase,
- Kombo A Munja I et II,
- Guidi-Guidi,
- Uzama (MINDEF 1996 : 2).
Au cours de cette attaque, le Cameroun va perdre une centaine d'hommes environ et près de 120 seront faits « prisonniers de guerre », malgré la non déclaration officielle de guerre du gouvernement nigérian comme du gouvernement camerounais. Cette attaque massive nigériane de 1996 (artillerie à bloc) va leur permettre d'occuper les 3/5e de la presqu'île querellée.
Cette escalade périlleuse va amener les forces camerounaises à se réinventer d'autant plus qu'il ne leur restait plus que les 2/3 du territoire sauvegardé par leur courage.
A cet effet, les autorités camerounaises vont armer leurs forces de 30 vedettes appelées « Sweep Ship ». C'était des petits bateaux américains pouvant contenir 10 à 12 personnes à bord et équipés de 4 mitrailleuses (2 lourdes et 2 légères) Ces vedettes étaient le matériel indiqué pour le combat dans la mangrove qui recouvrait la presqu'île. Ces engins étaient destinés à permettre la mobilité des forces camerounaises contrairement aux frégates nigérianes qui ne pouvaient pas circuler dans la mangrove.
Nanties de ce matériel d'appoint, les forces camerounaises dirigées par le Capitaine de vaisseau Oyono Mveng, commandant de l'Opération Delta, vont organiser une contre-attaque en mars 1996. Cette contre-attaque surprise va leur permettre de récupérer certaines localités à la suite de lourdes pertes nigérianes, environ 2000 hommes tués, des bâtiments de guerre détruits (Jonathan). Au-delà de ces pertes en vies humaines, près de 150 soldats nigérians seront faits prisonniers de guerre par le Cameroun, parmi lesquels 4 officiers.
Cet équipement spécifique va permettre aux forces camerounaises de maintenir les forces nigérianes dans leurs retranchements. Les positions occupées par les deux camps resteront comme telles jusqu'au dénouement diplomatique d'octobre 2002 au mépris des mesures conservatoires indiquées à l'attention des deux gouvernements par l'ordonnance du 15 mars 1996 de la CIJ à la Haye et de la demande adressée par les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies le 29 février 1996, pour le cessez-le-feu et le retour des troupes des deux parties à leurs positions initiales.
Cette lourde perte nigériane (une semaine à repêcher les corps) a semé le doute dans leurs rangs, raison pour laquelle elles n'ont plus organisé d'offensives de grande envergure.
La Guerre étant le langage des armes, il est tout naturel qu'on s'attende à un bilan en terme de pertes de vies humaines et des dégâts matériels. Mais la guerre de Bakassi a été une guerre qui n'a pas dit son nom, voire une guerre inavouée par les gouvernements belligérants. Les deux gouvernements n'ont pas partagé avec leurs peuples respectifs la situation de guerre qu'ils vivaient de peur de l'étendre aux civils. Le gouvernement camerounais a géré cette guerre en toute intimité, certainement pour la sécurité de la forte communauté nigériane vivant sur son territoire.
Sur le plan humain, le Cameroun a perdu environ 200 à 300 hommes sans compter les disparus à l'instar du médecin porté disparu à la suite d'un accident d'hélicoptère. Le Nigeria quant à lui a perdu environ 3000 à 4000 hommes dans cette guerre. Le bilan nigérian le plus lourd a été enregistré lors de la riposte camerounaise en mars 1996 à Kombo A Janea (2000 morts environ). A coté de ces pertes en vie humaine, on peut ajouter les prisonniers de guerre qui ont été libérés à la suite de l'échange organisé à Yaoundé en juin 2006 par les deux gouvernements sous l'égide de la Croix Rouge Internationale. Le Cameroun a libéré environ 150 prisonniers nigérians parmi lesquels le corps du Capitaine FOUTOUMBE, mort en captivité à Yaoundé. Le Nigeria à son tour en a libéré environ 120 parmi lesquels deux corps des sous officiers rapatriés.
Sur le plan matériel, le Cameroun a perdu trois (03) hélicoptères (deux sont tombés en mer, un a été emporté par un tourbillon marin et est allé tomber à 500 mètres de la côte et à 300 mètres de profondeur de la mer) ; un sweep Ship ; beaucoup d'armes et de munitions lors de la prise d'Idabato I et II par les forces nigérianes en février 1996.
Le Nigeria quant à lui a perdu trois bâtiments de guerre parmi lesquels le « JONATHAN » détruit par les fusiliers marins commandos camerounais encore appelés « hommes grenouilles» ; beaucoup d'armes et de munitions abandonnées lors de la riposte camerounaise de mars 1996.
Le Nigeria a mobilisé pour cette guerre environ 10000 hommes de formation au rabais (45 jours environ de formation) et beaucoup de moyens mal organisés. Le Cameroun de son coté a présenté 2000 hommes environ, nantis d'une formation de haute facture (deux ans) et des moyens limités, mais spécifiques, c'est-à-dire adaptés pour le combat dans la mangrove.
Le Nigeria était assez équipé pour la parade, mais manquait d'équipement de combat dans la mangrove au début de la guerre. Le Général de Corps d'Armée René Claude Meka était le commandant des troupes camerounaises. Cet officier formé à l'école militaire française spéciale de Saint-Cyr en 1962 et à l'école de l'infanterie de Saint-Maixent en 1963 est l'actuel Chef d'état-major des forces armée camerounaises.
Quelques Liens utiles:
Audience Publique de la Cour Internationale de Justice de la Haye
Invitation de l'armée du Nigéria au défilé du 20 Mai 2018 à Yaoundé.
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