A
Paris, le 24 décembre 1942
Mes chers fils,
Vous saviez que cette guerre dans laquelle je me suis engagé ne serait pas sans risques mais cette guerre pour laquelle j'ai œuvré était dans le but de vous offrir à vous, et à tous les hommes rêvant d’une France capable de briser ses chaines et de répondre à l’oppression allemande, une France libre. Mais comme vous le savez une guerre suggère toujours que certains soldats tombent. Perspicaces comme vous l’êtes, vous aurez surement compris que c’est donc avec une réelle amertume que je me dois de vous faire savoir que votre paternel ne sera plus de ce monde d’ici peu. En effet, l’ennemi nous a rattrapés et je serais fatalement exécuté d’ici quelques jours. Je profiterai donc de cette dernière lettre que l’on m’a autorisé à vous envoyer pour dire ce que j’ai sur le cœur, mais venons-en au fait :
En
premier lieu, je m’adresserai à toi Georges ; j'ai toujours
été fier de toi et je compte sur toi pour continuer de prendre soin
de ton petit frère mais je te prie de ne pas continuer cette
résistance sans moi (ta mère ne supporterait pas de te perdre toi
aussi). Bien que je sache que tu as toujours mis un point d’honneur
à ne pas rester inactif pendant ce combat je te conjure de faire ce
que je te demande et de rester docile le temps que tout ceci se
calme. Tu approches de tes dix-sept ans et je sais que tu comprendras
ma décision.
Je
m’adresserai désormais à toi Raphaël, tu n’as que six ans à
l'heure ou je t'écris ceci et tu n’as probablement pas compris ce
que j’ai évoqué ci-dessus mais puisque tu as appris à lire
récemment et que tu es quelqu'un de très lucide, tu devrais être
en mesure de te débrouiller avec ceci : ton papa a mené une
bataille contre de mauvaises personnes qui en voulaient à notre
liberté et va devoir partir pour toujours, mais ton grand frère et
ta mère veilleront sur toi et ne te laisseront jamais seul.
Je
prie le ciel pour que vous viviez en paix sans moi. Veuillez excuser
l'humidité que vous ressentirez en touchant cette ultime lettre,
mais j'ai déjà retenu suffisamment longtemps ces larmes qui coulent
dans
mes yeux. Néanmoins, je me réconforte à la pensée que vous n'avez
pas à partir avec moi et que vous saurez assurément vous
débrouiller
en mon absence. Je veillerai sur vous depuis là-haut et je sais que
j'aurai des
raisons d'être
fier de vous. Continuez
d’étudier, devenez de grandes et de justes personnes et, surtout,
n’oubliez jamais que je vous aime.
PS :
Je me rends compte à l’instant que la date à laquelle je vous
envoie cette lettre n’est peut-être pas la meilleure tout compte
fait, (on a fait plus heureux cadeau de Noël) mais que voulez-vous,
je n’avais pas vraiment le choix…
A
mes fils, pour lesquels j'éprouve un amour démesuré.
Matthieu Mbarga Owona