dimanche 22 septembre 2013

Mieux vivre et vivre mieux.



C’est anodin en apparence cette affiche blanche sur laquelle les deux mots « mieux vivre » sont inscrits et bien mis en évidence.  Dans les principales artères de Douala, elle figure en bonne place, accrochée au-dessus de la chaussée, placardée sur les murs défraichis de la capitale économique du Cameroun. Nous sommes en période électorale au pays du héros national Ruben Um Nyobé. En tout cas, tous ceux qui font de la politique leur métier primaire, secondaire ou tertiaire diffusent leurs idées au grand jour. Les visions, les projets et les bilans sont moins visibles au demeurant. Il faut peut-être mieux chercher ou regarder ailleurs…

Un peu moins de deux cent députés et de nombreux maires et conseillers municipaux seront choisis par des citoyens peu enthousiastes à l’idée de signer un nouveau chèque en blanc à certains représentants qui atteindront rapidement leurs objectifs. L’engouement pour les inscriptions sur les listes en a pâti. Le retour sur investissement pour certains heureux élus sera bien vite conséquent. La santé, l’éducation, la sécurité, la culture et le bien-être citoyen attendront encore. Phénomène tout à fait étonnant, peu de conseillers et maires semblent résider dans le même quartier, la même ville ou le même village que leurs électeurs, mais la loi ne s’en préoccupant pas ; la légitimité attendra. Quant aux heureux députés ; ils se retrouveront au Palais des verres et les plus zélés travailleront parfois quand les exigences du sommeil voudront leur accorder un peu de répit.

Tout n’est pas noir pour autant ; l’affiche du mieux vivre est la lumière blafarde qui chasse l’obscurantisme d’une république assoupie telle un vieux sage recherchant les souvenirs éculés dans son regard vague, un après-midi chaud de décembre. Autre avancée, la fraude n’est plus grossière et paradeuse, elle est devenue une armée de l’ombre disciplinée dans la défense d’une culture marquée longuement par les malversations. Tout devient d’un blanc relatif quand on s’interroge sur le temps qu’il aura fallu pour concevoir ce thème du mieux vivre ensemble qui semble tenir le haut du pavé chez les idéologues libéraux communautaires de la capitale économique du Cameroun. C’est alors que revient cette érudition idoine de Mathias Owona Nguini, « Au Cameroun, on ne combat pas la pauvreté, mais on la gère ».

Toute la nuance en effet entre le mieux vivre et le vivre mieux n’est pas sémantique ; il y a un inconscient assumé du médiocre dans le mieux vivre, un prélassement typique des estomacs alanguis, somnolents repus. Mieux vivre ensemble c’est gérer parfois les pénuries, la pauvreté, les iniquités ; c’est accepter une fois pour toutes l’indifférenciation du citoyen, tel le pion s’ajustant en fonction des contingences de la vie, des urgences du quotidien et des désidératas du sommet dirigeant. La promesse du mieux vivre est faible, mais est-ce même une promesse ? Un constat on dirait ; constat d’échec. Inanition imposant le partage du plus banal des projets. Mieux vivre la défaite. Brûlons l’instant et oublions.

Par contre, la dynamique du vivre mieux traduit la volonté et la quête d’amélioration d’une condition jugée insatisfaisante. Vivre mieux c’est juger qu’il est possible de progresser en apportant des réponses qui transportent les élans citoyens vers un mieux-être de chacun qui contribuera à la réussite et l’épanouissement de tous. Vivre mieux c’est examiner un état de fait, l’analyser pour en ressortir les problèmes, les frustrations, les manquements, les besoins, les aspirations et alors proposer des solutions qui contribueront de façon décisive au changement des vies par leur amélioration évidente, durable et définitive. Vivre mieux c’est comme dirait Einstein donner le premier coup de pédale et avancer en pédalant tous ensemble pour vivre mieux tous ensemble.

Manekang.  

dimanche 19 mai 2013

Les promesses de la réunification.


La journée fut déclarée fête, car l’accomplissement était arrivé. Tous les fils réunis sous la protection de la même étoile filante, brillante et puissante. Le vingt mai, de la veille au lendemain, le plaisir serait de la partie ; immense, mérité. Réflexion et actions aussi, car il faut bien tenir ses promesses dans la durée. Agapes et réflexion ensemble pour se réjouir des réalisations passées sans somnoler sur ses lauriers. Des actions qui ne seront pas tournoiement indolent à donner le vertige aux plus inspirés. Des actes qui œuvrent pour la satisfaction générale, pour le bien-être commun, celui de tous. Qu’il y ait un seul oublié et c’est tout l’édifice, comme bouche cariée qui en souffrirait, qui se fragiliserait.

Réunir dans quel but ? C’est en forgeant qu’on devient forgeron dit-on, mais c’est surtout en forgeant assidûment et avec attention qu’on devient excellent forgeron. En réunissant, en conviant les uns et les autres sous le même toit, sur  la même table, il ne s’agit pas de parler le même langage surtout, ni de regarder dans une direction unilatérale. Mais de partager un bien commun, de rapprocher pour mieux comprendre et décider ensemble sur l’essentiel, ce qui se perpétuera au fil des siècles, résistera aux bourrasques de toutes sortes  et se renforcera dans le temps, au contact des générations nouvelles et futures. Réunir donc pour débrider tous les acteurs du progrès et les mettre en contact dans une fusion d’où jaillissent les puissantes énergies nouvelles. 

Certains réunissent pour mieux régner, garder les yeux sur tout et sur tous, contrôler pour assouvir les caprices et les volontés iniques de quelques-uns. Cette sorte de réunification qui est entreprise de défense des intérêts particuliers n’est plus la réunification, mais la confiscation, l’oppression, la manipulation et la captation du travail de la Nation pour le service des intérêts égoïstes malveillants, néfastes à la prospérité nationale. A la table de la réunification, ceux-là devront fatalement tomber le masque par la vigilance et la consistance de l’édifice  de valeurs nationales et son tronc d’institutions flexibles, mais indestructible par nulle bourrasque d’où qu’elle viendrait.

Le sceau de la république inspiré par une fable de La Fontaine étant ouverture ; son hymne étant avant tout poème, ode de ralliement,  les promesses de la réunification brilleront telles un symbole ardent de foi et d’unité, un monument d’artiste tourné vers l’étoile protectrice. Promesses qui scintillent et fleurs qui couvriront tous les champs d’une agriculture nourricière, transformatrice, écologique et productrice de savoir-faire modernes. Elles brilleront et ses réalisations scientifiques, technologiques, culturelles, économiques, pédagogiques couvriront toutes les filles et fils de ce grand honneur et cette fierté dont le drapeau porte l’empreinte dans les rues de Douala, de Yaoundé, de Yagoua, de Bamenda ou de Bafoussam. C’est le week-end du vingt mai ; c’est notre fête !

dimanche 24 mars 2013

« Le Président »; pourquoi j’aime ce film que je n’ai pas encore vu?


  A une époque déjà lointaine, la reine de beauté Mona Lisa était alors une jolie princesse fon du Dahomey, je participai avec le duo savant et loquace de l’association Le Vaste Songe à un salon multiculturel dans la ville lumineuse, Paris. Divers exposés étaient présentés lors de ce forum, dont une conférence débat sur le rite de la dot au Cameroun. 

Dans l’ambiance sympathique d’une maison de la Culture française, le beau monde créatif de la diaspora africaine se retrouva gaiement, déambulant entre les stands des artistes musiciens, ceux des écrivains, des conteurs, des danseurs, des créateurs locaux franciliens. Les stylistes et toute leur élégance racée n’étaient pas en reste dans ce salon fraternel dévoué à l’affirmation et à la célébration des aspects intellectuels des civilisations africaines en France.

Quel ne fut pas mon étonnement lorsqu’avec une évidence préoccupante, l’invité du comité d’organisation, représentant le ministère de la culture du Cameroun introduisit son exposé sur la dot en citant le dictionnaire Larousse…Nous savions déjà que le bateau culturel camerounais prenait de l’eau de toutes parts ; mais là, nous assistâmes en direct au sabordage du paquebot illustre des ténors de la finesse culturelle camerounaise représenté par Thérèse Sita Bella, Manu Dibango, Mongo Beti, Ferdinand Oyono, Guillaume OYONO Mbia, Dikonguè Pipa, Eboa Lotin, Daniel Kamwa, Ottou Marcellin, Richard Bona, Samy Mafani, Ali Baba, Dave K Moctoï, Pierre Didi Tchakounté, Oncle Otsama, Jean Miché Kankan, Zanzibar Epémé, Essindi Mindja… 

Quelle idée de citer Le Larousse quand il suffit de prendre exemple sur les multiples cérémonies de dot auxquelles il nous est donné d’assister pour en tirer une définition générale, même imparfaite « La dot est un rite coutumier amical de rencontre entre la famille du prétendant et celle de sa promise au cours duquel  les deux familles apprennent à se connaître dans le jeu des joutes orales et de la théâtralité des requêtes à satisfaire, à détourner ou à contourner… ». Pour définir la dot donc, nul besoin de citer Le Larousse, car cet événement, nous le célébrons ou nous le subissons depuis des temps immémoriaux. 

De la même façon, pour évoquer le cinéma camerounais et surtout l’impatient désir de regarder le film « Le président » du réalisateur Jean-Pierre Bekolo Obama, nous n’aurons nullement besoin de définir ce qu’est le cinéma ni ce qu’est un président ou un réalisateur d’ailleurs. Nous n’utiliserons ni le Larousse, ni Le Petit Robert. Trois mots seuls nous permettront d’expliquer pourquoi ce film plaît déjà dans le contexte précaire du Cameroun pris dans l’étau des thuriféraires libéraux communautaires. Trois mots seulement expliqueront notre engouement pour la nouvelle œuvre artistique de Jean-Pierre Bekolo : La constance, le courage et l’esthétique du réalisateur.

Depuis son premier long métrage « Quartier Mozart », que nous vîmes au Palais des Congrès de Yaoundé en 1992, la marque du professionnel s’imprime dans chaque œuvre du réalisateur Jean-Pierre Bekolo. Professionnalisme dans le choix des acteurs ; Jimmy Biyong dans « Quartier Mozart » ; Abessolo Mbo et Joséphine Ndagnou dans  «L es Saignantes » ; Gérard Essomba dans « Le président » ; professionnalisme dans l’écriture des dialogues et dans le rythme soutenu de l’œuvre cinématographique. 

Bekolo Obama raconte une histoire qui maintient le spectateur en éveil, qui l’interpelle en s’inspirant de son environnement pour le dépasser grâce aux facilités et envolées de l’imagination. Une histoire qui nourrit les préoccupations du cinéphile en lui apportant un silo de réponses en une seule séance de diffusion cinématographique. Il s’agit de combler l’envie de divertissement et d’amener à comprendre en distrayant. Il y a donc constance dans le professionnalisme, constance dans l’engagement à traiter des sujets importants sans crainte des controverses éventuelles, intrépidité face au courroux de tous les censeurs, dépositaires des pratiques et des illusions éculées d’une époque insipide révolue.

Si dans son premier long métrage « Quartier Mozart » les thèmes de la transsexualité et du machisme sont évoqués dans l’environnement précaire d’une banlieue populaire du Cameroun,  dans son troisième film « Les saignantes », le favoritisme et la corruption entraînent une rencontre dramatique entre un directeur du cabinet civil de la présidence dépositaire du bien public et des entrepreneuses mi-putes mi-maîtresses désireuses de remporter des marchés publics en proposant leurs corps en offrande. Une lugubre chambre surnommée commission nationale de la censure et logée au ministère de la culture proposa de retirer certaines scènes du film jugées « contre le régime et pornographique ». L’art ayant pour objet la valorisation du beau ; il est clair que si un régime n’est pas beau ; il sera plus souvent anti-art. 

Dans l’environnement très insuffisamment logique du Cameroun, la règle d’or étant à l’attentisme et à la prudence; le courage de dire ce qu’on pense ou de montrer ce qu’on voit apparaît alors comme une entreprise risquée à laquelle le plus malin et le moins jacobin s’abstient prestement afin d’éviter tant bien que mal les écueils qui surgiraient subrepticement à chaque détour de rue. Le courage devient alors la valeur de ceux qui imaginent la possibilité d’une réalité autre, plus positive et profitable au plus grand nombre… « Quand on veut vous réduire, on vous réduit à la réalité, alors que c’est l’imaginaire qui fait la force. » affirme le réalisateur Jean-Pierre Bekolo dans le quotidien camerounais Mutations. Son dernier long métrage intitulé « Le président ; comment sait-on qu’il est temps de partir » poursuit dans cette lancée de valorisation de l’imaginaire pour la victoire de l’esthétique.

En 1960, Henri Verneuil cinéaste français ayant fui la Turquie dans sa tendre enfance réalisa « Le Président ». Il y évoquait alors une réalité française de la quatrième république marquée surtout par l’instabilité politique et des gouvernements aux durées de vie étranges ; tel ce gouvernement de Christian Pineau qui dura en tout et pour tout…Un jour ! Dans son film, Henri Verneuil traitait d’une réalité française avec un point de vue d’artiste avant tout, mais d’artiste français surtout. Jean-Pierre Bekolo, sans être adepte connu de l’école Verneuil choisi d’évoquer des problèmes du Cameroun avec un point de vue camerounais, une vision artistique camerounaise. Cela donne aujourd’hui son film « Le Président ». 

Ayant vu le teasing de ce long métrage il y a quelques mois sur Internet, je fus séduit et conquis par le discours de l’actrice qui joue le rôle de la présidente ; Hildegarde Banaken. La présidente parlait le langage de la vérité aux camerounais ; elle parlait camerounais aux camerounais ; elle traçait des lignes d’espoir avec ses beaux yeux radieux et souriants. J’aime le discours de la présidente ; j’aime la présidente ; j’aime cette œuvre artistique dont la fiction nourrit l’espoir en projetant un imaginaire puissant ; puisant aux sources de nos forces multiculturelles et nous élevant vers une renaissance dans cette féminité belle ; vraie ; puissante ; sereine et rassurante.

Man Ekang.

Quelques réalisateurs camerounais et leurs œuvres :
- Bassek Ba Kobhio : Sango malo (1991), Le grand blanc de Lambaréné (1995) ; le silence de la forêt (2003)
- Daniel Kamwa : Boubou Cravate(1972), Pousse Pousse (1975), Danse automate danse (1980), Le cercle des pouvoir (1997), Mah Saah-Sah (2009)
- Dikonguè Pipa : Le prix de la liberté (1978) ; Canon Kpa Kum (1981) ; histoires drôles, drôles de gens (1982)
- Jean-Pierre Bekolo Obama ; Quartier Mozart (1992), Le complot d’Aristote (1996), Les saignantes 2005
- Josephine Ndagnou : Paris à tout prix (Joséphine Ndagnou)

jeudi 14 février 2013

La république des chiots.



Nous n’allons pas faire semblant, car il ne s’agit pas de roman; mais bien de la réalité vécue au lieu-dit rond-point Déido le mercredi 13 févriers à 18h30.

Nous n’allons pas inventer de noms, car il ne s’agit pas de fiction où l’imagination est en action; mais bien de la triste vérité avec des personnages rocambolesques; peu recommandables et particulièrement condamnables.

Parce que ceux qui sont encore en capacité de s’indigner et de dire non, tous ceux qui ont les moyens intellectuels de décrire l’horreur de l’inadmissible dans ce pays ; le Cameroun ; doivent tenir fermement la plume de la dénonciation et la tremper avec conviction dans le vrai, le juste, le bien.

Nous n’allons pas jouer les poltrons, les comiques ou les saintes nitouches, car ce qui est en jeu est trop important pour être galvaudé sur l’autel de la peur, de l’humour ou de l’hypocrisie de la fausse retenue. Il s’agit de valeurs, en d’autres termes de la frontière qu’il y a à préserver entre l’Homme et la bête de somme ou celle de Sodome.

Parce que l’image parle et que celle qui figure sur cet écrit traduit l’instantané de l’opération malsaine de deux gendarmes de la brigade de Mboppi à Douala, en train d’accomplir leur funeste forfait ; le dégonflage des roues de mon véhicule pour le plaisir de violer la tranquillité des paisibles citoyens, nous allons l’afficher pour mettre une fois pour toutes un visage sur l’haleine putride de l’intolérable dans notre pays.

Après une journée de labeur bien remplie, rehaussée de faits amusants comme bien souvent à Douala ; retournant vers ma cabane en très exquise compagnie ; de celles qui donnent envie d’écouter Johnny Hallyday chanter « les portes du pénitencier vont bientôt se refermer » en sifflotant dans son véhicule incandescent ; je prends le chemin du retour, vers ma chaumière. Je me suis alors promis de savourer une bière fraiche et légère en relisant les aventures congolaises de Jean Bofane, avant le juste sommeil. Il est 18h15.

A 18h35 ; après m’être faufilé tant bien que mal dans ces bouchons qui nous pourrissent la vie entre le lieu-dit rond-point du 4e et le rond-point Déido ; je conduis ma passagère exquise à un endroit sûr, celui qui lui permettrait de trouver un taxi qui la conduirait chez elle; il faut avouer que le soir, donner le qualificatif d’endroit sûr à une rue de Douala tient plutôt du pari très risqué. Mais, je me dis qu’avec un peu de chance, ce petit espace vide aménagé en bordure de la route, devant cette station d’essence de la compagnie MRS est un endroit sûr. Un havre temporaire exempt de tout badaud malintentionné ou d’un quelconque attroupement de malabars oisifs en ce début de soirée. 

Endroit sûr signifiera donc que j’éviterai à la dame le vol de son téléphone portable ou une agression verbale gratuite ce soir ; mais je ne saurai dire avec certitude ce qui adviendrait d’elle dans le taxi qui la conduirait dans son quartier là-bas à Bonamoussadi. C’est connu en effet qu’à Douala, les brigands ont érigé les taxis en terrain d’excellence de l’agression violente.
Quant à moi, ayant vérifié que je me trouvais à un endroit où je ne gênais pas la circulation et n’enfreignait aucune règle de conduite ; j’allume mon clignotant droit et je m’arrête quelques secondes en bordure de route, devant la station d’essence de la compagnie MRS; le temps de permettre à mon amie de sortir en toute sécurité du véhicule, de refermer la portière et de s’en aller bien plus haut, trouver un taxi. L’arrêt de mon véhicule, l’ouverture de la portière, la sortie de la dame et la fermeture de la portière auront duré…4 secondes….

Je n’avais pas alors imaginé qu’en embuscade, non loin de là, camouflé dans la rue à 18h40; un gendarme béret rouge négligemment vissé sur le ciboulot  rognait son frein, impatient de sauter sur une proie ; prêt à rugir.  Le pickpocket ou le brigand n’étaient pas dans son objectif, mais bien le citoyen paisible, pour des raisons de racket connues. Les  transporteurs routiers habitués des exactions et abus de cette petite légion honteuse de la brigade de gendarmerie du quartier de Mboppi à Douala me l’avoueront ensuite, « la gendarmerie de Mboppi saute sur le rond-point Déido tous les jours » ; la haute expertise en escroquerie et en corruption de certains de ses éléments est scandaleuse et quotidienne. « Vous êtes en infraction ; l’arrêt est interdit ici» qu’il m’affirme, le plus jeune des gendarmes, un sourire féroce lui déformant les mandibules tel un cabot fier de sentir l’odeur forte de son nouveau pipi sur le trottoir.

Fermement opposé à l’idée de servir de repas du soir à un quelconque prédateur en cette fin de journée et ne songeant qu’à rentrer me reposer chez moi ; je demande à comprendre et tente une explication rationnelle devant l’animal déchaîné. Il appelle alors son adjudant de chef jusqu’alors affalé dans la buvette aménagée dans la station d’essence et buvant une bière pendant son service en méditant dans son ébriété manifeste  sur les forfaits du jour et ceux encore à venir en cette fin de journée chaotique à Douala.

« S’il vous plaît, ne dérangez pas les citoyens paisibles ; occupez-vous des voleurs, ceux qui pillent le pays, qui nous empêchent d’avoir des hôpitaux, d’inscrire nos enfant à l’école ou de vivre décemment » lui dis-je. « Je m’appelle Adjudant Meli  et je n’ai peur de personne» qu’il m’affirme en désignant vaguement un insigne collé sur sa tenue. Du fait de son état alcoolique avancé, de son peu d’instruction sans doute et de l’émotion suscitée par ma réaction inattendue ; Il débite alors une sarabande incontrôlée et incompréhensible  sur des ordres du chef de l’état du Cameroun, ceux du gouvernorat du littoral, de la préfecture de police et de la communauté urbaine de Douala qu’il doit appliquer avec sévérité sur le rond-point Déido.

Présentez-vous qu’il m’intime l’adjudant de gendarmerie. « Je suis serge Mbarga Owona ; en tout cas c’est le nom que je porte”, lui répondis-je. Ayant pris ma réponse pour une insoumission à ses ordres théâtraux, il ordonne à son subordonné de dégonfler toutes les roues de mon véhicule ; ce dernier s’exécute avec application et méthode ; dégonflant l’une après l’autre trois roues de ma voiture pendant que je fais montre d’un calme qui me surprend encore…

Trois roues de mon véhicule complètement à plat ; un attroupement se forme bientôt autour de moi et de mes bourreaux du soir. Chacun y va alors de son commentaire sur le zèle quotidien du très célèbre adjudant Meli, connu dans le coin pour ses actes d’intimidation et de corruption batifolant toujours avec la dizaine de milliers de francs CFA par jour. D’autres gendarmes arrivent bientôt sur place et je suis rapidement encerclé, accusé de semer le trouble sur le carrefour et d’en appeler à la rébellion des badauds...

Le deuxième acte de cette mésaventure se jouera avec la disparition subite des gendarmes et la remise de mon dossier entre les mains d’un officier de police en charge de la circulation routière sur le rond-point Déido. Après deux heures de palabres, d’observations réciproques silencieuses et de patience passées entre le commissariat de fortune construit en bordure du rond-point et le bord de la route ; la sentence de l’agent du maintien de l’ordre tombera dans le creux de mon oreille ; ce sera dix mille franc dans les poches de l’officier de police en charge de la circulation routière. Dix mille francs à payer pour une infraction imaginaire stupéfiante ayant entraîné deux heures de temps perdu, le dégonflage de trois pneus de mon véhicule et l’encastrement du quatrième dans un sabot de la communauté urbaine.

Dans une espèce d’antichambre construite dans le minuscule local policier du rond-point Deido, je remis le prix du déshonneur à l’officier de police. Mais avant cet échange avilissant, honteux et furtif entre le dossier de mon véhicule et le billet de dix mille Francs CFA, le vieil officier de police ayant constaté ma lassitude et mon inclination à lui remettre la somme convenue ; il se sera dépêché de me conseiller de faire réparer rapidement mes pneus avant l’habituelle coupure de courant du soir. Il aura ensuite grimpé tel un chiot en rut sur une moto-taxi pour aller selon ses termes « récupérer les clés du sabot au commissariat de police ».

La carence de valeurs et la corruption demeurent l’alpha et l’oméga dans notre république des chiots.

Manekang.