lundi 11 avril 2022

L’école et l’intelligence : Un parcours de bonification des attitudes, des perceptions, des efforts, du raisonnement, de la compréhension.

J’ai lu une citation qu’il m’a semblé important d’éclairer d’un regard qui décortique et critique les insinuations qu’elle projette avec ostentation :

« La façon dont certaines personnes dénigrent les gens qui n’ont pas fait d’études démontre que faire des études ne garantit pas l’intelligence ».

L’auteur de la citation n’est pas indiqué, mais si je l’ai lue, ça signifie qu’elle est en circulation et que d’autres personnes la lisent aussi et la partagent. Il faut y réfléchir un moment et mettre en lumière ce qui est enjeu dans les mots qui sont utilisés dans cette citation et le sous-entendu qu’elle projette. 


Je pousse volontiers le mot plus loin que les « études » utilisé par l’auteur de la citation pour aller dans le champ de l’école, car les études sont restrictives sur les enjeux au cœur de cette citation. On peut étudier chez soi, au champ, dans la rue (l’école de la rue), dans un laboratoire, dans une entreprise ou à l’école. Si on ne s’arrêtait que dans le champ des études évoqué par l’auteur, il ne serait pas nécessaire d’en débattre, car il faut étudier pour connaître, comprendre, appréhender, solutionner. Sans études, on ne se met pas face aux problèmes ou à la réalité en question. Sans étude, au mieux, on agit à l’instinct, et même pas à l’expérience, car l’expérience suppose que soi-même ou d’autres ont déjà été confrontés à une réalité, une problématique, un besoin ayant été objet d’une étude.


L’auteur de la citation parle de démonstration en disant ; « démontre que faire des études ne garantit pas l’intelligence ». La démonstration de cet auteur est bâtie sur son interprétation de « la façon dont certaines personnes dénigrent les gens qui n’ont pas fait d’études ». En réalité, c’est une démonstration subjective, non existante, car toute démonstration est construite sur une suite logique de faits, de constats interprétables objectivement. Comment le dénigrement de ces « certaines personnes » est-il bâti ? Est-il juste, a-t-il une cause ? Un objectif ? La citation reste vague citation et pourtant les enjeux qu’elle met en balance sont critiques dans toute société moderne. Faut-il étudier pour mieux appréhender ? Faut-il accorder une importance fondamentale à l’école ?


Dans la construction de sa citation, l’auteur note fort à-propos que ce sont « certaines personnes qui dénigrent les gens qui n’ont pas fait d’études ». Il ne s’agit donc pas d’une généralité. De plus, pour diluer l’attention des personnes ayant fait des études qui se sentiraient interpellés par ces mots, l’auteur n’indique pas que le dénigrement serait issu des gens qui auraient fait des études. Les dénigreurs peuvent donc être selon lui des gens qui ont fait des études et ceux qui n’en auraient pas fait. 


Cependant, l’auteur est très sentencieux lorsqu’il affirme « faire des études ne garantit pas l’intelligence ». Rien n’est moins sûr à mon avis. Il est tout à fait possible de penser que les études sont une garantie d’intelligence. Il est fort possible que les études mettent en lumière une certaine forme d’intelligence étant donné que l’intelligence elle-même a des formes diverses et variées. Ne serait-ce que celles des facultés d’apprentissage, la capacité de retenir, de reproduire ou de transformer ce qu’on a retenu. On peut donc affirmer que ; faire des études et les réussir garantit l’intelligence dans ces études. Mais l’avis de l’auteur de la citation semblant déjà être placé du côté opposé de la balance des études. Du côté de cet autre chose qu’il ne nomme pas et que je nomme « déni de l’importance de l’école ». L’auteur met son opinion en contrepoids de l’importance de l’école et se sert pour cela d’un dénigrement « de certaines personnes » contre celles « qui n’ont pas fait d’études ». 


C’est une citation abusive, trompeuse et fausse à mon avis. Abusive dans l’usage d’un terme important ; la démonstration. Elle est trompeuse, car elle joue sur le registre des mélanges entre l’incertain « certaines personnes » et celui des certitudes péremptoires de l’auteur quand il utilise le mot « garantit » dans « ne garantit pas l’intelligence ». C’est une citation fausse, car elle ne vient pas à rebours d’une affirmation qui serait « les études garantissent l’intelligence ». Elle est fausse car son auteur induit en erreur, consciemment ou inconsciemment en utilisant le prétexte du dénigrement pour remettre en question la nécessité des études et donc de l’école dans le parcours des connaissances et de la compréhension ; dans un monde aux interactions humaines de plus en plus complexe, dans un monde en transformation ou les interactions entre humains et objets sont appelées à devenir de plus en plus virtuelles, non palpables. L’humain manipule de plus en plus des objets conceptuels, leur compréhension n’étant pas toujours intuitive, ou instinctive.


A mon avis, la cause d'un possible dénigrement n'est pas du fait qu'on n'a pas fait de longues études. Si des gens s’autorisent à dénigrer d'autres, sans juger de la valeur de ce dénigrement ; c'est parce que dans une situation donnée, ils constatent que ces autres ont une attitude, une réaction ou une réflexion qui autorise ce dénigrement.

L'absence d'un bon parcours scolaire peut expliquer une insuffisance de la réflexion ou un manque de rigueur dans certaines attitudes. L'école apprend à construire un bon raisonnement et permet de mieux expliquer pour se faire comprendre.


Ça semble évident que les études n'ont jamais garanti l'intelligence. L'intelligence c'est la faculté de connaître et de comprendre les gens, le monde, les choses. Les études apportent leur grand support pour savoir comment mettre en valeur son intelligence. En cela, elles sont indispensables pour pouvoir mieux s'exprimer, comprendre les problèmes, savoir raisonner et se donner une place confortable et un peu juste dans la société.


En utilisant la « théorie du Danger » du footballeur et manager sportif camerounais Rigobert Song qui n'est pas connu pour avoir effectué des études longues ni extraordinaires, mais qu'on reconnaît comme quelqu’un, d’intelligent :


Si quelqu'un croit que les études ne bonifient pas l'intelligence, alors il ne sait pas qu’il est en danger.

Si quelqu'un pense qu'il est intelligent seulement parce qu'il a fait des études, alors il ne sait pas qu’il est en grand danger.

Si quelqu'un croit qu'il peut être plus intelligent sans avoir étudié, alors, il ne sait pas qu’il est en très grand danger.


C'est de ça qu'il s'agit.

Serge Mbarga Owona, mathématicien, écrivain, poète.


Illustrations:

Tableau de B. de Narbi.

Tableau de MOUSSADOF: Lien du tableau en ligne.