dimanche 13 octobre 2019

Les règles du jeu de songo



I.    Qu’est-ce que le jeu de songo ?


Le jeu de songo (songo) est un jeu de réflexion africain. Il appartient à la famille des jeux appelés « Jeux de semailles ». Ces jeux sont appelés ainsi, car dans la pratique, en y jouant on distribue des pions ou des graines dans des cases, puis on en retire un certain nombre pour effectuer des captures. 

Ce mouvement de distribution et de capture est assimilé à l’action de semer et de récolter. Les jeux de semailles sont présents partout en Afrique, en Amérique du sud (Brésil), au moyen orient (Bahreïn) et en Asie du Sud-Est (Indonésie, Vietnam, Cambodge…).

Le songo est une variante des jeux de semailles présente au Cameroun, au Gabon, en Guinée équatoriale et au Congo. Le plateau de jeu de cette variante comporte 14 cases réparties en deux camps de 7 cases chacun.

Pour y jouer, il faut avoir 70 graines ou pions, en plus du plateau de jeu.
Les graines peuvent être des cailloux, de petits noyaux de fruits, ou des billes. Elles sont indifférenciées. Ça signifie qu’il n’y a pas de distinction entre elles. Toutes les graines du songo peuvent être identiques.


La pratique des jeux de semailles dans le monde. Représentation issue de l’ouvrage Wari et solo. Le jeu de calculs africain [A. Deledicq & A. Popova]


II.                Description du plateau de jeu


Le plateau du jeu de songo comporte deux rangées de 7 cases. Chaque rangée constitue le camp d’un joueur. Dans le songo, il y a donc au total 14 cases. Le plateau de jeu peut être fabriqué en creusant 14 trous dans le sol, en sculptant une bille de bois, en utilisant du bois et du plastique, ou alors en évidant des troncs de bambou.

Quelques exemples de plateaux de jeu de songo :
               


Plateau de songo sculpté dans du bois.



Plateau de songo fabriqué en bois et en plastique.



Plateau de songo fabriqué en bambou évidé.

III.             Le but du jeu


Au début de la partie de songo, il y a 70 graines dans le plateau de jeu. Chaque joueur possède 35 graines dans son camp. Ces graines sont réparties dans chaque case à raison de 5 graines par case.

Le but du jeu est de capturer 40 graines dans le camp de l’adversaire. Cette capture des graines s’effectue progressivement au cours du jeu, selon des règles déterminées par la position des cases sur le plateau et le nombre de graines qu’elles contiennent.

Une partie de songo peut s’achever par un match nul ou la victoire d’un des joueurs. Pour gagner, il faut absolument avoir capturé 40 graines au moins. Ce nombre de graines correspond à l’ensemble des graines possédées par un joueur en début de partie, auquel il rajoute 5 graines de l’adversaire.

IV.             La distribution des graines


Pour jouer une partie de songo, il faut un plateau de jeu contenant 70 pions, ainsi que deux joueurs. 

Les joueurs s’asseyent l’un en face de l’autre. Chaque joueur est assis devant son camp constitué de 7 cases. Dans chaque case, il faut mettre initialement 5 pions. Ci-dessous une représentation schématique d’un plateau de songo avant le début du jeu.



Par convention, les deux camps sont appelés Nord et Sud. Les joueurs de chaque camp sont respectivement appelés "Joueur Nord" et "Joueur Sud".

Les cases du joueur Nord sont identifiées par les symboles N0, N1, N2, N3, N4, N5 et N6. Les cases du joueur Sud sont identifiées par S0, S1, S2, S3, S4, S5, S6. Cette notation conventionnelle n’est pas indispensable pour apprendre à jouer. Elle sera utile pour expliquer plus simplement certains coups du jeu et certaines stratégies.

D'un commun accord, les joueurs choisissent celui qui débute la partie. Ce choix n’est pas déterminant pour gagner ou perdre un match. Les coups sont joués de façon alternée entre les deux joueurs.

Pour jouer un coup, il suffit de choisir une case de son camp, ramasser toutes les graines de cette case, puis les distribuer dans toutes les cases suivantes; les siennes et celles de son adversaire.

Il faut à chaque fois déposer une graine par case. La distribution des graines s’effectue dans le sens des aiguilles d’une montre; c’est-à-dire de la droite vers la gauche.

Il faut noter que ce sens de la distribution des graines dans le songo est différent de celui de la variante du jeu appelée awalé, awele, oware, ou Wuri. Cette variante est pratiquée dans certaines régions du Cameroun, ainsi qu'en Afrique de l’Ouest: Cote d’Ivoire, Nigéria, Ghana, Sénégal…

Par exemple, supposons que le joueur Sud joue son premier coup et choisit sa case S2: dans ce cas, il videra la case S2 de son contenu et il distribuera respectivement une graine dans les cases S1, S0; puis dans les cases N0, N1 et N2. Le coup du joueur s’arrête uniquement lorsqu’il a distribué toutes les graines issues d’une case.

Voici l’aspect qu’aura le plateau du jeu à la suite du premier coup du joueur Sud (en rouge, les cases qui ont été impactées par le coup du joueur sud) :

Un moyen mnémotechnique pour se souvenir de la règle de distribution des graines dans le songo : RADIMESE
  • Ramasser toutes les graines
  • Distribuer toutes les graines
  • Mettre une graine par case
  • Sens des aiguilles d’une montre


Le Cas particulier du grenier ou de la maison (ndà) :

Un grenier est une case contenant plus de treize pions. Pour distribuer les pions issus d’une telle case, il faut en mettre progressivement dans chaque case du plateau de jeu jusqu'à en faire le tour. Le tour du plateau ayant été effectué, il restera encore des graines à distribuer.

Si le joueur qui effectue le coup possède encore une graine en main (cas du grenier contenant 14 pions), cette graine est considérée comme une prise. Elle est retirée du plateau du jeu et conservée par le joueur ayant effectué le coup.

Si le joueur qui effectue le coup reste avec plus d’une graine en main, il redistribue chacune de ces graines dans le camp de son adversaire, toujours le sens des aiguilles d’une montre (de la gauche vers la droite dans le camp adverse).

Par exemple dans la représentation ci-dessous du plateau de jeu, le joueur Nord possède un grenier dans sa case N4.





Représentation du plateau de jeu après que le joueur Nord a joué son grenier en N4 



Après que Nord a joué avec sa case N4, toutes les cases du plateau de jeu ont reçu une graine supplémentaire. Nord a donc distribué 13 graines dans l'ensemble du plateau de jeu. Il conserve la dernière graine et elle devient une récolte, car il y a une règle qui interdit de distribuer une graine dans la case extrême gauche du camp adverse. Nous y reviendrons dans le paragraphe consacré aux interdits du jeu.

Comme indiqué plus haut, un grenier est une case contenant plus de treize graines. Comment s’effectue la distribution des graines lorsqu'un grenier contient par exemple 15 graines ?

Dans ce cas, le joueur distribue 13 graines dans l’ensemble des cases du plateau de jeu, puis il distribue les deux graines restantes dans le camp de son adversaire.

Par exemple dans la représentation ci-dessous du plateau de jeu, le joueur Nord possède un grenier de 15 graines dans sa case N4.



Représentation du plateau de jeu après que le joueur Nord a joué son grenier en N4


Après que Nord a joué avec sa case N4, toutes les cases du plateau de jeu ont reçu une graine en plus. Nord a donc distribué 13 graines dans le plateau de jeu. Ensuite, Nord distribue les deux graines restantes dans les cases S6 et S5 de son adversaire.

V.               La prise des graines


Comme indiqué précédemment, le but du jeu de songo est de capturer au moins 40 graines dans le camp de l’adversaire pour gagner la partie. Cette capture des graines s’effectue progressivement au cours du jeu, selon des règles déterminées par la position d’une case sur le plateau et le nombre de graines qu’elle contient.

Les graines sont capturées uniquement dans le camp de l’adversaire. Comment capturer des graines ? 

Au terme de la distribution des graines contenues dans une case, si la dernière graine est jetée dans une case de l’adversaire contenant déjà 1, ou 2, ou 3 graines, alors le joueur effectuant le coup ramasse toutes les graines de cette case. Le joueur ramasse également toutes les graines qui sont dans les autres cases de l’adversaire dont le cumul total est égal à 2, 3 ou 4.

Utilisons les trois exemples ci-dessous pour illustrer des situations de prises de graines par le joueur Sud :

Exemple 1 : Le joueur sud Capture six graines chez Nord en jouant en S1.

Situation avant le coup :

En jouant sa case S1, le joueur Sud va récolter 4 graines dans la case N0 et 2 graines dans la case N1


Situation Intermédiaire (Sud a distribué les pions issus de la case S1) :


Situation Finale (Sud a capturé les pions dans les cases N0 et N1) :










Exemple 2 : Le joueur sud Capture neuf graines chez Nord en jouant en S2.

Situation avant le coup :


En jouant sa case S2, le joueur Sud va récolter 3 graines dans la case N4 et 4 graines dans la case N5 et 2 graines dans la case N6.

Situation Intermédiaire (Sud a distribué les pions issus de la case S2) :


Situation Finale (Sud a capturé les pions dans les cases N4, N5 et N6)
:

Il faut noter que le joueur Sud ne capture pas les graines dans les cases N2 et N0, bien que ces cases remplissent les conditions d’une récolte de graines.

Pourquoi n’y a-t-il pas de capture de graines dans les cases N2 et N0? La capture des graines s’effectue dans toutes les cases dont le total des graines après la distribution est compris entre deux et quatre graines. Mais dès qu’une case ne remplit pas cette condition de prise des graines, la récolte des graines s’interrompt.


Exemple 3 : Le joueur sud joue avec un grenier de 17 graines en S5 et Capture onze graines chez Nord

Situation avant le coup:


En jouant sa case S5, le joueur Sud va récolter 2 graines dans la case N0, 3 graines dans la case N1, 2 graines dans la case N2 et 4 graines dans la case N3.


Situation Intermédiaire (Sud a distribué les pions issus de la case S5):

En comparant la situation avant coup et la situation intermédiaire, on remarque que les cases N0, N1, N2 et N3 ont chacune reçu deux graines. Cette distribution est en accord avec la règle de distribution des graines issues d’un grenier (Case contenant plus de 13 pions).

En effet, lors de la distribution des graines issues d’un grenier, un tour complet du plateau de jeu est effectué, ensuite les tours suivant sont effectués exclusivement dans le camp de l’adversaire. Cette distribution des graines s’effectue évidemment de la gauche vers la droite (sens des aiguilles d’une montre).









Situation Finale (Sud récolté 11 graines issues des cases N0, N1, N2 et N3):


Un moyen mnémotechnique pour se souvenir de la règle de capture des graines dans le songo: DITOTO
  • Distribuer les graines
  • Total des graines de la dernière case
  • Total des graines des cases précédentes


VI.             Les interdits


Il y a plusieurs interdits dans le jeu de songo. Il est interdit de :
  • Distribuer une graine dans le camp de son adversaire à partir des cases N6 ou S0
  • Distribuer deux graines dans le camp de son adversaire à partir des cases N6 et S0, sauf s’il s’agit de faire une capture de graines.
  • Capturer des graines uniquement dans les cases S6 et N0
  • Effectuer une capture qui prive son adversaire de graines

 Quelques situations du jeu permettant de matérialiser les différents interdits :

·         Interdiction de distribuer une graine dans le camp de son adversaire à partir des cases N6 et S0 :
Ni le joueur Nord, ni le joueur Sud ne peuvent distribuer leurs pions des cases N6 et S0.

·      Interdiction de distribuer deux graines dans le camp de son adversaire à partir des cases N6 et S0, sauf s’il s’agit de faire une capture de graines.
Ni le joueur Nord, ni le joueur Sud ne peuvent distribuer leurs pions des cases N6 et S0.


Mais le joueur Nord et le joueur Sud peuvent distribuer leurs pions des cases N6 et S0, car à l’issue de cette distribution, ils feront des captures de graines chez l’adversaire. 




 
·         Interdiction de capturer des graines uniquement dans les cases S6 et N0
Le joueur Nord et le joueur Sud peuvent distribuer les pions des cases N5 et S3. Mais au terme de cette distribution, ils ne feront pas de capture de graines, car il est interdit à Nord de capturer des graines en S6 et à Sud de capturer des graines en N0.


·         Interdiction d’effectuer une capture qui prive son adversaire de graines

Le joueur Nord peut distribuer les pions de la case N3. Mais au terme de cette distribution, il ne fera pas de capture de graines, car il est interdit de faire une récolte qui laisse son adversaire sans aucune graine dans son camp (on dit qu'il est interdit d'assécher le camp de l'adversaire).


Interdiction de jouer avec une case autre que celle qui contient le maximum de graines, lorsque le camp de l’adversaire n’a plus aucune graine. Cet interdit s’appelle la règle de solidarité.

 Le joueur Sud doit jouer avec la case S3, car le camp de son adversaire n’ayant plus aucune graine, il doit choisir une case contenant le maximum de graines.


VII.          Quelques stratégies


Le but du jeu de songo étant de capturer au moins 40 graines dans le camp de l’adversaire, il existe un ensemble de stratégies déployées par chacun des joueurs pour atteindre cet objectif au cours d’une partie.

Ces stratégies visent à contraindre l’adversaire à perdre l’initiative dans le jeu et à demeurer en permanence dans une position défensive.

A.                La menace simple


Une menace simple consiste à mettre un nombre suffisant de graines dans une case afin que cette case puisse potentiellement effectuer des prises dans le camp de l’adversaire.

Un adversaire soumis à une menace simple peut choisir de l’ignorer, de la bloquer en déplaçant les pions de la case menacée ou en y rajoutant un pion. Il peut aussi mettre en œuvre une contre-menace de telle sorte qu’après la prise de son adversaire, la sienne soit plus importante.

Dans la configuration de jeu illustrée par ce plateau, la case N4 du joueur Nord exerce une menace simple sur les cases S3 et S4 du joueur Sud.
De plus, la case S1 du joueur Sud exerce une menace sur la case N2 du joueur Nord.

Si le joueur Sud joue en S1, il fera une capture de trois graines en N2. Nord pourra répliquer en jouant N4. Nord effectuera alors une prise de 6 graines grâce aux cases S3 et S4.


B.                La menace double


Une menace double consiste à placer un nombre suffisant de pions dans deux cases afin que ces deux cases puissent potentiellement effectuer des prises dans deux cases du camp adverse.

Un adversaire soumis à une menace double peut choisir de l’ignorer, mais il ne peut pas la bloquer. Cependant, un joueur soumis à une menace double peut en limiter les effets en diminuant le nombre de pions qui seront capturés par l’adversaire, ou en créant une contre-menace.


Dans la configuration de jeu illustrée par ce plateau, les cases S0 et S1 du joueur Sud exercent des menaces simultanées sur les cases N1 et N2 du joueur Nord.
Pour limiter la menace double représentée par les cases S0 et S1, le joueur Nord peut déplacer le pion de la case N2. Il ne perdra alors que deux pions lorsque Sud jouera avec sa case S0.

C.                Le Yinda


Pour contrer une menace de l’adversaire sur une de ses cases, le joueur dispose de la stratégie du Yinda. Yinda est issu des deux mots « yin » et « ndà » signifiant dans la langue éwondo « renforcer la maison ».

La stratégie du Yinda consiste à rajouter une graine dans une case afin d’annuler une menace de capture de graines pesant sur cette case.

Le tableau ci-dessous illustre un cas de Yinda :

La case S4 exerçant une menace sur les cases N0, N1, N2 et N3, le joueur Nord peut limiter cette menace en déplaçant le pion de la case N1 dans la case N2.

En effectuant ce déplacement de pion, si la case S4 est jouée par Sud, le total des pions distribués en N2 sera égal à 5. Avec 5 graines en N2, la prise éventuelle de graines effectuées par Sud grâce à S4 sera limitée à 2 graines au lieu de 11 graines si le Yinda n’était pas posé.

D.                Le grenier (ndà)


Un grenier est une case contenant plus de treize pions. Le grenier symbolise une place forte dans le songo. On lui donne le nom ndà pour cette raison. Le mot ndà signifiant maison en langue éwondo.

Pour distribuer les pions issus d’une telle case, il faut en mettre progressivement dans chaque case du plateau de jeu, jusqu'à en faire le tour.

Le tour du plateau ayant été effectué, il restera encore des graines à distribuer. Ces graines sont distribuées dans le camp de l’adversaire.

Dans la stratégie du jeu de songo, le grenier est un atout important pour gagner la partie. En effet, grâce à lui, le joueur distribue les graines dans son camp et en distribue plusieurs fois dans celui de l’adversaire. Cette distribution multiple de graines dans le camp adverse peut entraîner la capture d’un nombre important de graines.

Le tableau ci-dessous illustre un exemple de Grenier :
La case S4 du joueur Sud est un grenier. A l’issue de la distribution des graines de S4, Sud est susceptible de récolter 11 graines.

E.                 Le bidoua


Au-delà d’être un jeu dont l’objectif est de capturer au moins 40 graines pour gagner, le bidoua est le mécanisme stratégique essentiel dans le jeu de songo.

Qu’est-ce que c‘est? Le bidoua est la traduction de la liberté de circulation des graines dans un plateau de songo. Il est en effet indispensable pour chaque joueur de pouvoir déplacer ses pions en toute liberté pour:
  • Alimenter une case afin de construire un grenier
  • Alimenter une case afin de développer des menaces
  • Déplacer des graines afin d'éviter une prise de l’adversaire
  • Conserver dans son camp un volume de pions plus important que celui de l’adversaire

Dans le jeu de songo, le joueur qui conserve un bidoua supérieur à celui de son adversaire a des chances prépondérantes de gagner la partie.

Le tableau ci-dessous illustre un cas de Bidoua avantageux pour le joueur Nord :


Pour évaluer le bidoua d’un joueur, on exclut toutes les cases susceptibles de transférer des graines à l’adversaire; ensuite, on effectue un déplacement potentiel des graines jusqu'à ces cases. La somme de ces déplacements potentiels constitue le bidoua de chaque joueur.


Quelques ouvrages de référence pour approfondir la pratique et la connaissance du jeu de songo:

Bonaventure Mvé Ondo : L’Owani et le Songa, deux jeux de calcul africains. Editions Sepia.

Serge Mbarga Owona : Le jeu de songo (Le livre contient un logiciel de jeu). Editions l’Harmattan.

Serge Mbarga Owona : Les jeux de calcul africains (ouvrage de modélisation mathématique et de présentation des algorithmes informatiques de l’awalé et du songo). Edition l’Harmattan.

jeudi 3 octobre 2019

Pour une Nation camerounaise sûre, égalitaire, bienveillante, africaine.


Fidèles à la continuation de l’œuvre de nos ancêtres africains et pères fondateurs, les camerounais vivent ensemble, construisant en permanence leur patrie ; belle, grande de sa diversité linguistique et culturelle : l’Afrique en miniature. Nous sommes des femmes et des hommes libres et fiers. Citoyens frères, épris de justice et travaillant méthodiquement pour le progrès de la Nation.

I.                  La Nation Camerounaise sûre

A.               La santé

A tous âges, la maladie petite ou grande est susceptible d’affecter l’existence. La prévention et la prise en charge de celle-ci sont des priorités qui concourent à fournir une vie paisible aux citoyens dans la communauté nationale.
Malgré les efforts soutenus des pouvoirs publics et ceux des partenaires privés, les moyens limités de la Nation et les défis structurels constituent des freins contre le bien être physique et moral des citoyens.
Un peuple souffrant, malade ou mal soigné est un peuple triste, improductif, dépérissant dans la douleur. Que faire?

Pour les plus démunis :
La vie n’offre pas les mêmes chances, ni les mêmes capacités à tous. C’est ainsi. Mais en tant qu’humains vivant dans une société culturellement civilisée, la solidarité est un impératif irréductible.
Ceux qui sont les plus fragiles doivent bénéficier d’une prise en charge favorable de la communauté nationale entière. Chacun parmi ceux qui gagnent un revenu doit apporter un palier de contribution de santé en faveur des plus démunis.
Quel est l’intérêt ?
Notre Nation est diverse de citoyens riches et démunis. La solidarité en plus d’être une valeur morale est un facilitateur de paix et d’harmonie. Quand les plus démunis sont soutenus, ils se relèvent, la tête haute. Parions sur leur reconnaissance envers la communauté.  

Pour les autres :
La santé est précieuse. L’étant, il faut considérer son prix et l’inclure dans l’équation du bien-être.
Considérons notre système de santé comme un panier de moyens communs alimenté par chacun et dans lequel tout le monde reçoit des soins en fonction de ses besoins. Les besoins étant la maladie dans le cas d’espèce.
Notre panier de santé doit être un bien commun satisfaisant qui n’interdit aucunement à chaque citoyen de trouver une réponse supplémentaire de santé dans ce panier et ailleurs. Chacun doit payer pour la santé de tous selon des paliers définis par l’autorité publique.

Bien évidemment, le panier des moyens de santé doit aussi servir à fournir aux professionnels de la santé un cadre de travail absolument irréprochable afin que leur dévouement pour tous les malades soit irréprochable.

B.               La sécurité

Pendant longtemps, nous fumes un pays paisible. Mais le monde et notre environnement ont changé. Les frontières à protéger ne sont plus seulement physiques, terrestres, maritimes, aériennes. La sécurité de l’Etat, celles des informations et ressources de la Nation ; la sécurité des personnes et celle de leurs biens appellent à de nouveaux moyens, de nouvelles attitudes, de nouvelles stratégies. La propagation des menaces est devenue instantanée, les actes malveillants peuvent être l’œuvre d’un seul individu agissant derrière son écran ou dans la rue, d’une cellule, d’un groupe, d’un Etat. Les méthodes agressives et brutales sont devenues coutumières.

§  Sécurité proactive
Pour gagner, il faut marquer des buts.
La sécurité proactive est une stratégie prospective. Son temps est celui du futur. Elle regarde loin pour voir tôt.
Ses méthodes sont diverses : formation, information, communication, anticipation, dissuasion. Elle dresse des schéma de compréhension des attitudes, intérêts et menaces futures. Elle doit s’adapter continuellement aux options de l’avenir.

§  Sécurité active
Pour protéger, il faut veiller.
La sécurité active est une vigie multidimensionnelle (numérique, humaine, terrestre, maritime, aérienne) omniprésente dont le rôle est l’action rapide pour rassurer, protéger, contrer, neutraliser les menaces.
Ses moyens sont humains et matériels. Elle est au contact des citoyens.
Pour être un modèle d’exemplarité dans l’engagement et la probité, ceux qui en sont dépositaires sont des privilégiés au service de tous, possédant le confort requis par les risques encourus.

§  Sécurité passive
« Mieux vaut prévenir que guérir »
Comment mieux saisir rapidement un risque, une brèche sécuritaire, un acte mettant en danger ou en péril la stabilité nationale et la sécurité des personnes et des biens ?
Si le maillage territorial humain est nécessaire, il doit s’appuyer sur la rapidité de la circulation de l’information, son traitement efficace et son acheminement dans les centres de décision. L’humain et la technologie doivent agir de concert pour cerner les risques et empêcher leur transformation en crises sécuritaires graves.
De l’acte de braconnage au trafic par voie routière ou aéroportuaire de substances illicites, la sécurité passive doit s’appuyer sur un système numérique de recueil, de traitement, de transmission des informations d’intérêt.

§  Sécurité massive
Le préambule de la constitution du Cameroun l’inscrit clairement dans le marbre : « - Tous les citoyens contribuent à la défense de la patrie »
Cette déclaration de la constitution est appliquée dans le concept de défense populaire manifestant le lien indéfectible entre l’armée et la Nation. En cas de troubles graves, la Défense populaire est activée par la création de comités de vigilance. Mais est-ce suffisant ?
Pour faire face à la multiplication des menaces et à leur nature différente, il est nécessaire que les forces professionnelles puissent s’appuyer sur des entités citoyennes éduquées, ainsi que des organismes privés reconnus, assumant un rôle de vigilance républicaine et capables d’une mobilisation croissante, limitée dans le temps, en fonction des défis auxquels la Nation doit faire face.
Un service civique d’imprégnation aux enjeux de sécurité civile, de vigilance républicaine et un cadre contractuel de partenariat entre les forces publiques est les entités de la sécurité privée sont à développer afin que la sécurité devienne massive dans l’esprit de défense populaire inscrit dans le granit de la constitution républicaine.

Elle redonne de la visibilité et toute sa grandeur au lien armée-Nation, alimentant dans la population un sentiment d’urgence à se mobiliser collectivement pour la défense des valeurs communes.

C.                L’économie

« L’argent est le nerf de la guerre ». Cette maxime doit devenir la prise de conscience commune de la nécessité vitale d’avoir une activité économique maîtrisée, planifiée, équitable pour tous les acteurs de la chaîne de valeurs productrice de notre pays.

§  Economie maîtrisée :
Qu’est-ce qui produit l’argent nécessaire au développement de l’activité économique? Quelles sont les ressources matérielles et immatérielles sur lesquelles l’Etat peut garantir la croissance soutenue de la vigueur économique du Cameroun ?
L’étude scientifique, la prospective, la transparence doivent redevenir les piliers sur lesquels les acteurs du public et du privés collaborent régulièrement afin que l’activité économique soit maîtrisée à tous les échelons : micro, local, national, international. L’information économique doit être recherchée, analysée et partagée au groupements d’acteurs qui produisent les richesses nationales (agriculteurs, éleveurs, entrepreneurs, startupeurs, revendeurs,…).

§  Economie planifiée :
« Nous avons subi la détérioration des termes de l’échange ».
Cette phrase est entendue depuis quasiment toutes les décennies depuis 40 ans au Cameroun. Parce que nous vendons trop de matières essentielles brutes et abondantes dans un marché mondial hautement concurrentiel, la plus-value de ces ventes se retrouve très souvent marginale pour tous les acteurs du circuit économique : l’Etat, les ouvriers, les exportateurs etc…
La planification moderne de notre économie signifie qu’il faut un balayage profond des potentiels de croissance dans chaque secteur, une identification des poches d’optimisation des plus-values sectorielles et une franche mise à disposition des moyens quand la transformation d’un secteur est indispensable pour garantir son développement soutenu sur une échelle correspondant au moins à la décennie. Par exemple, étant un pays producteur de Cacao, nous devons réexaminer toute la chaîne de création de la plus-value dans ce secteur. Si la fève séchée et exportée ne nous rapporte plus les bénéfices nécessaires à la génération des revenues, l’Etat et les partenaires privés doivent saisir le problème à bras le corps et orienter méthodiquement le Business vers des voies plus rentables.

§  Economie équitable :
La volonté d’une économie équitable s’appuie sur deux piliers fondamentaux : Une prospérité commune proportionnelle au risque encourus et aux efforts endurés. La fin de la création incongrue d’acteurs économiques proéminents spontanés.
Pour garantir la sécurité économique de tous en fonction du risque pris, il faut que le risque en matière d’investissement soit transparent. Si un acteur économique a par exemple investi cinquante mille francs d’épargne dans un projet, il faudrait qu’il soit enclin à déclarer ce capital afin de bénéficier des conseils des structures créées aux fins d’accompagner chaque entrepreneur sur le chemin optimal du bénéfice. L’entreprenariat doit devenir un choix privilégié pour tous ceux qui veulent réaliser des gains dans une affaire.
La mise en place de la transparence de l’investissement est aussi une volonté de lutte acharnée contre les illusionnistes de l’enrichissement illicite. Le jeu économique équitable est un jeu transparent qui doit s’équilibrer entre les fonds investis et les justes rétributions qui en découlent.

II.              La Nation Camerounaise égalitaire

A.               L’école

Pour comprendre son environnement, il faut pouvoir le décrypter avec les codes de son époque. Une école en phase avec les besoins et les évolutions de la société est un socle sur lequel chaque génération peut s’appuyer pour vivre honnêtement dans un monde ouvert et extrêmement concurrentiel.
Toutes les filles et les garçons du Cameroun doivent bénéficier d’excellentes conditions d’éducation et d’instruction par la Nation.
         Ecoles prématernelles et primaires dans tous les quartiers.
         Soutien économique et centres de formation pour les assistantes maternelles.
         Ecole primaires bilingues publiques totalement gratuite avec des cantines offrant le petit-déjeuner et le déjeuner à tous les élèves
         Ouvrage scolaires disponibles dans toutes les salles de classes pour tous les élèves.
         Lycées bilingues sur l’ensemble de la Nation permettant de fournir une formation de base sur les matières essentielles et ouvrant la voie à un début de professionnalisation vers les métiers identifiés comme primordiaux à échelle de cinq années.
         Enseignement supérieur planifié et développé dans un partenariat renforcé entre les universités et toutes les entreprises.
         Collaboration étroite entre les centres d’analyse économique, les agences de production de l’emploi, les structures d’enseignement supérieur.
         Un personnel éducatif fortement revalorisé socialement et économiquement (accès privilégié aux logements sociaux, indemnité de performance, revalorisation salariale substantielle).

B.               La justice 

Dans toute société moderne, la loi est le cadre critique indispensable garantissant à tous la liberté d’action, la protection de soi, des siens et des biens, le pouvoir de défendre ses droits sans défiance vis-à-vis du système dans lequel on vit au quotidien.

La sécurité judiciaire exige une transparence totale et une impartialité complète du corps de la justice. Comment atteindre cet objectif ? Aujourd’hui, l’argent roi fait loi dans notre système judiciaire. Cette grave anomalie doit cesser. Pour cela, la justice doit activer trois leviers : 1- Garantir des conditions de vie excellentes à tous les acteurs du système judiciaire. 2- Installer des outils de contrôle citoyen de l’appareil judiciaire. 3- Prévoir et appliquer des sanctions exemplaires chaque fois que l’argent ou tout autre intérêt autre que le respect de la loi aura conduit à une décision anormale.
Le préambule de la constitution camerounaise est très clair : « Le Peuple camerounais affirme sa volonté inébranlable de construire la patrie camerounaise sur la base de l’idéal de fraternité, de justice et de progrès; »


III.           La Nation Camerounaise bienveillante

A.               La culture

Le Cameroun est l’Afrique en miniature. C’est un pays d’une diversité culturelle impressionnante. Nous sommes une mosaïque de peuples sahéliens, soudanais, bantous et pygmées. La découverte et la connaissance des langues, des coutumes et des usages de chaque  peuple constituant cette mosaïque est un trésor commun.

La connaissance de l’autre dans son intelligence culturelle est le premier pas vers la bienveillance collective. Comment peut-on accompagner chaque citoyen à la rencontre de la différence fraternelle? Le dynamisme culturel et le tourisme régional sont de bonnes solutions. Festivals régionaux, festivals et rencontres interculturels, implication des écoles dans les semaines culturelles, élaboration d’un programme culturel national avec les acteurs publics et privés
Concernant le tourisme régional, chaque région doit répertorier ses hauts lieux touristiques, en développer de nouveaux et l’Etat doit apporter son support dans l’élaboration de circuits touristiques permettant à chaque citoyen quels que furent ses revenus de visiter chaque région du pays. Les voies de communication, les moyens de communication et les structures hôtelières sont ainsi des biens indispensables pour la réalisation permanente du noble objectif d’une  Nation camerounaise bienveillante.

B.               Le Sport

La ferveur sportive a toujours été une source d’émulsion positive dans la Nation camerounaise. Nos exploits sportifs portent haut nos couleurs et permettent à chacun de ressentir la fierté et le bonheur d’appartenir à une Nation qui gagne, un pays de gagneurs. Le Cameroun est le peuple uni dans le Hemlè (la foi ardente) grâce au sport.
Chaque camerounais peut donc être porteur de l’étincelle Hemlè si dans sa vie quotidienne il a la possibilité et le droit d’exercer une activité sportive de son choix dans son quartier, dans sa ville. Jogging, football, natation, marche, tennis, basket, handball, jeux traditionnels ou danse artistique, les lieux de vie consacrés aux activités sportives permettront à chaque citoyen d’entretenir la vigueur de son corps, d’expurger le mauvais stress de vivre paisiblement en communauté et en bonne santé.

C.                Le sens civique

Dans une société composée de citoyens de traditions culturelles diverses, chaque individu doit vivre librement et harmonieusement dans la pleine conscience de ses droits et devoirs. Il est donc indispensable que chaque camerounaise, chaque camerounais sache ce qu’il est bien de faire en communauté et ce qui est proscrit par la communauté nationale.
Le sens civique s’exprime par le respect des lois de la République, le respects des personnes et de leurs bien, le respect des différences d’idées, d’opinions, de religion, le respect des institutions nationales.
Il y a un objectif de conscientisation du peuple de la république à atteindre grâce à l’éducation, l’information, la sensibilisation et même la répression.
L’école et la mairie sont des lieux modèles pour l’éducation, l’incitation et la manifestation quotidienne du sens civique citoyen.
En éduquant les enfants sur l’impérieuse nécessité du respect entre les uns et les autres, en informant la population au niveau communal, en sanctionnant immédiatement tout acte d’incivilité (insalubrité urbaine, insulte, agressivité…) le sens civique doit retrouver ses lettres de noblesses au sein de la communauté nationale. Un pays de citoyens civilisés est un pays qui donne envie d’être visité. Le tourisme sera une autre opportunité offerte à la Nation Camerounaise bienveillante.

IV.           La Nation Camerounaise africaine

A.               Notre mère Afrique

Le préambule de la constitution camerounaise dit :
« Le Peuple camerounais, convaincu que le salut de l’Afrique se trouve dans la réalisation d’une solidarité de plus en plus étroite entre les peuples africains, affirme sa volonté d’œuvrer à la construction d’une Afrique unie et libre »

Le Cameroun est un pays divers. Nous sommes l’Afrique en miniature. Cette caractéristique nous prépare à entrer dans la grande Union Africaine afin d’être plus grand, plus fort pour développer plus d’opportunités ensemble.
Pour préparer l’entrée triomphale de notre beau pays dans cet avenir africain radieux, la jeunesse est le porte flambeau dans cette rencontre en cours avec toute l’Afrique du nord au sud, de l’est à l’ouest.
Au cours de leurs parcours académiques, pendant les séjours éducatifs ou ludiques de découvertes, les jeunes camerounais doivent visiter l’Afrique. Notre pays le Cameroun, en tant que Nation reflétant la diversité africaine devra promouvoir et organiser ces moments d’échanges interafricains.

Le Grand Dialogue National est un important forum de discussion, d’échange et de propositions constructives entre Camerounais. La diversité des canaux de recueil des propositions mis en place pour cet évènement historique est une opportunité offerte à tous ceux qui veulent contribuer au rayonnement de notre étoile commune, la maison Cameroun.
Pour une Nation camerounaise sûre, égalitaire, bienveillante et africaine est un écrit volontairement positif, ma contribution citoyenne à notre inlassable effort de construction d’une grande Nation africaine moderne, démocratique, libre et ouverte sur le monde.


Serge Mbarga Owona