mardi 20 juillet 2021

Bakassi: Le récit d'une victoire camerounaise

Le 21 décembre 1993, les troupes nigérianes prennent l'initiative de franchir la frontière camerounaise sous le prétexte de protéger leurs ressortissants qu'elles estiment menacés dans la péninsule de Bakassi par les « gendarmes » camerounais.

Ces forces armées nigérianes constituées de 2000 à 3000 hommes trouvent sur le territoire escompté une escouade camerounaise faite d'environ 40 hommes (30 éléments de la marine nationale, quelques gendarme et policiers) qui assuraient la mission d'intégrité territoriale en poste avancé et dont le Poste de Commandement se situait à Idabato I en décembre 1993. 

Ces forces camerounaises, face à cette attaque surprise et le surnombre des troupes nigérianes, vont tout de même essayer de repousser les assaillants. 

Déjà à l'intérieur du territoire camerounais, les forces nigérianes vont occuper au 21 janvier 1994 les localités de :

- Kombo A Bedimo et Inokoi (Bakassi Point)

- Jabane I et II (Sandy point)

- Diamond 


Décidées à rallier le territoire nigérian à la rive sud du Rio Del Rey, les forces nigérianes vont multiplier les offensives et vont s'emparer en février 1994 de la localité d'Akwa (Archibong). Pendant ce temps, les forces camerounaises essayent de se mobiliser (Opération Delta). Et au cours de leur attaque sur la localité de Kombo A Janea, elles seront repoussées par le GOS en poste avancé. Cette riposte camerounaise sera considérée par le gouvernement nigérian comme « une déclaration de guerre », ce qui entraînera plus tard une intensification des hostilités.

Du 2 au 7 février 1996, les troupes nigérianes investissent plus en profondeur en territoire camerounais (15 Km vers l'est). C'était une attaque en force sur toute l'étendue de la presqu'île, des tirs à armes lourdes qui pilonnaient au sol les forces camerounaises. Cette offensive leur a permis d'occuper les localités telles que :

- Sous-préfecture d'Idabato I,

- Idabato II,

- Kombo Awase,

- Kombo A Munja I et II,

- Guidi-Guidi,

- Uzama (MINDEF 1996 : 2).


Au cours de cette attaque, le Cameroun va perdre une centaine d'hommes environ et près de 120 seront faits « prisonniers de guerre », malgré la non déclaration officielle de guerre du gouvernement nigérian comme du gouvernement camerounais. Cette attaque massive nigériane de 1996 (artillerie à bloc) va leur permettre d'occuper les 3/5e de la presqu'île querellée.

Cette escalade périlleuse va amener les forces camerounaises à se réinventer d'autant plus qu'il ne leur restait plus que les 2/3 du territoire sauvegardé par leur courage. 

A cet effet, les autorités camerounaises vont armer leurs forces de 30 vedettes appelées « Sweep Ship ». C'était des petits bateaux américains pouvant contenir 10 à 12 personnes à bord et équipés de 4 mitrailleuses (2 lourdes et 2 légères) Ces vedettes étaient le matériel indiqué pour le combat dans la mangrove qui recouvrait la presqu'île. Ces engins étaient destinés à permettre la mobilité des forces camerounaises contrairement aux frégates nigérianes qui ne pouvaient pas circuler dans la mangrove. 

Nanties de ce matériel d'appoint, les forces camerounaises dirigées par le Capitaine de vaisseau Oyono Mveng, commandant de l'Opération Delta, vont organiser une contre-attaque en mars 1996. Cette contre-attaque surprise va leur permettre de récupérer certaines localités à la suite de lourdes pertes nigérianes, environ 2000 hommes tués, des bâtiments de guerre détruits (Jonathan). Au-delà de ces pertes en vies humaines, près de 150 soldats nigérians seront faits prisonniers de guerre par le Cameroun, parmi lesquels 4 officiers. 

Cet équipement spécifique va permettre aux forces camerounaises de maintenir les forces nigérianes dans leurs retranchements. Les positions occupées par les deux camps resteront comme telles jusqu'au dénouement diplomatique d'octobre 2002 au mépris des mesures conservatoires indiquées à l'attention des deux gouvernements par l'ordonnance du 15 mars 1996 de la CIJ à la Haye et de la demande adressée par les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies le 29 février 1996, pour le cessez-le-feu et le retour des troupes des deux parties à leurs positions initiales.

Cette lourde perte nigériane (une semaine à repêcher les corps) a semé le doute dans leurs rangs, raison pour laquelle elles n'ont plus organisé d'offensives de grande envergure.

La Guerre étant le langage des armes, il est tout naturel qu'on s'attende à un bilan en terme de pertes de vies humaines et des dégâts matériels. Mais la guerre de Bakassi a été une guerre qui n'a pas dit son nom, voire une guerre inavouée par les gouvernements belligérants. Les deux gouvernements n'ont pas partagé avec leurs peuples respectifs la situation de guerre qu'ils vivaient de peur de l'étendre aux civils. Le gouvernement camerounais a géré cette guerre en toute intimité, certainement pour la sécurité de la forte communauté nigériane vivant sur son territoire.


Sur le plan humain, le Cameroun a perdu environ 200 à 300 hommes sans compter les disparus à l'instar du médecin porté disparu à la suite d'un accident d'hélicoptère. Le Nigeria quant à lui a perdu environ 3000 à 4000 hommes dans cette guerre. Le bilan nigérian le plus lourd a été enregistré lors de la riposte camerounaise en mars 1996 à Kombo A Janea (2000 morts environ). A coté de ces pertes en vie humaine, on peut ajouter les prisonniers de guerre qui ont été libérés à la suite de l'échange organisé à Yaoundé en juin 2006 par les deux gouvernements sous l'égide de la Croix Rouge Internationale. Le Cameroun a libéré environ 150 prisonniers nigérians parmi lesquels le corps du Capitaine FOUTOUMBE, mort en captivité à Yaoundé. Le Nigeria à son tour en a libéré environ 120 parmi lesquels deux corps des sous officiers rapatriés.


Sur le plan matériel, le Cameroun a perdu trois (03) hélicoptères (deux sont tombés en mer, un a été emporté par un tourbillon marin et est allé tomber à 500 mètres de la côte et à 300 mètres de profondeur de la mer) ; un sweep Ship ; beaucoup d'armes et de munitions lors de la prise d'Idabato I et II par les forces nigérianes en février 1996. 

Le Nigeria quant à lui a perdu trois bâtiments de guerre parmi lesquels le « JONATHAN » détruit par les fusiliers marins commandos camerounais encore appelés « hommes grenouilles» ; beaucoup d'armes et de munitions abandonnées lors de la riposte camerounaise de mars 1996. 

Le Nigeria a mobilisé pour cette guerre environ 10000 hommes de formation au rabais (45 jours environ de formation) et beaucoup de moyens mal organisés. Le Cameroun de son coté a présenté 2000 hommes environ, nantis d'une formation de haute facture (deux ans) et des moyens limités, mais spécifiques, c'est-à-dire adaptés pour le combat dans la mangrove.

Le Nigeria était assez équipé pour la parade, mais manquait d'équipement de combat dans la mangrove au début de la guerre. Le Général de Corps d'Armée René Claude Meka était le commandant des troupes camerounaises. Cet officier formé à l'école militaire française spéciale de Saint-Cyr en 1962 et à l'école de l'infanterie de Saint-Maixent en 1963 est l'actuel Chef d'état-major des forces armée camerounaises.


Quelques Liens utiles:

Audience Publique de la Cour Internationale de Justice de la Haye

Page facebook Chance Lion

E.C Messinga: Les forces armées camerounaises face aux enjeux militaires dans le golfe de Guinée: le cas du conflit de Bakassi

Invitation de l'armée du Nigéria au défilé du 20 Mai 2018 à Yaoundé.


lundi 5 juillet 2021

Une affaire très bizarre : l'histoire à la Kafka d'une saisie de voiture.

 

L'objectif de ce récit est de témoigner d’une situation désagréable qui m’est arrivée. Partager cette mauvaise expérience surprenante, afin qu’elle soit, si possible, utile à d’autres.

 

L’affaire :

Samedi 13 février 2021, mon véhicule est saisi par la Douane à Douala. Il s’agit d’un véhicule de seconde main acheté 3 ans plus tôt en 2018. J’ai acheté cette voiture au lieu de vente appelé Hôtel du Ndé, bien connu à Douala.

 

Flashback :

À l'achat de cette voiture de marque Hyundai Santa Fé, elle est déjà immatriculée et l’ancien propriétaire roulait normalement avec elle à Douala. La voiture possède donc une immatriculation et une carte grise parfaitement conformes.

 

À la suite de l’achat du véhicule en 2018, le vendeur et moi avions établi un certificat de vente légal dans un commissariat, puis le vendeur me proposa de lui donner un peu d’argent en plus afin qu’il me facilite la mutation de la carte grise. Salarié et n’ayant pas beaucoup de temps en semaine, j’acceptai que le vendeur me fasse la mutation de la carte grise. Il me remit la carte grise mutée en mon nom au bout de 2 semaines.

La vente était bouclée : j'étais propriétaire d'une voiture immatriculée et munie de tous les documents légaux.

 

La saisie :

Le 13 Février 2021 à Akwa, ma voiture est saisie lors d’un contrôle des Douanes. Les douaniers me stoppent, un samedi, je m’arrête, puis ils me demandent ma carte grise. Je la leur remets. Un agent tape un code sur son téléphone et m’annonce que mon véhicule n’est pas enregistré dans la plateforme de dédouanement. Je crois d’abord que c’est une blague. Je réponds au douanier que ce n’est pas possible, mais ça l’est malheureusement. Trente minutes plus tard, ma voiture sera saisie, immobilisée par un sabot clouté dans le parking des douanes. Je deviendrai subitement piéton.

 

Dans le service des douanes, j’essayerai de donner des explications aux douaniers en plaidant ma bonne foi, en disant que j’avais acheté une voiture déjà immatriculée et que je ne l’avais donc pas importée, rien n’y fera. Ce même samedi après-midi-là, J’appelle mes amis susceptibles de m’aider à sortir de ce problème incroyable, personne n’arrivera à me trouver une solution immédiate. Mon téléphone s’est plutôt déchargé à force de passer des coups de fil. Sur le coup, j’ai vécu un moment incroyablement frustrant.

 

La première leçon que je voudrais partager ici est celle de la prudence. Je me croyais en règle alors qu’en fait, il y avait quelque chose que j’ignorais totalement. Il ne suffit pas de posséder une carte grise en son nom et un véhicule immatriculé pour être en règle. Je l’apprenais à mes dépens ce samedi 13 février 2021.

 

Recherches à la Délégation Régionale des Transports du Littoral.

La semaine qui a suivi la saisie de ma voiture, je me suis rendu au Ministère des Transports. Plus précisément à la Délégation Régionale des Transports du Littoral à Douala. J’y suis allé, car je voulais retrouver le dossier qui fut utilisé par le vendeur pour effectuer la mutation de la carte grise de ma voiture.

 

Une fois rendu à la Délégation Régionale des Transports, un fonctionnaire m’oriente vers le service des archives. J’expose mon problème, puis on me demande de payer des droits de fouille. Je paye ces droits, puis l’agent en charge des archives me demande de laisser mon numéro de téléphone, promettant de m’appeler dans la même journée.

 

Une journée entière s’étant déroulée sans que je reçoive l’appel du bureau des archives. Je repars donc à la Délégation Régionale des Transports. Le chef de bureau m’avoue alors qu’ils ne retrouvaient pas le dossier souche de la mutation de mon véhicule. Je suis complètement abasourdi !

 

Grâce à l’aide d’un commissaire de police en service à Douala, je pourrai rencontrer le Délégué Régional des Transports du Littoral. Je lui expose mon problème et il entame des recherches, afin de comprendre ce qu’il s’était passé lors de la Mutation de la Carte Grise de mon véhicule dans ses services. Les recherches entreprises par le Délégué n’ont fourni aucun résultat positif. Il semble que la première immatriculation de mon véhicule était bien enregistrée dans le système informatique du ministère des transports, ainsi que la deuxième immatriculation. Mon véhicule était donc bien relié à une carte grise parfaitement conforme, mais il n’y avait aucune trace de son dédouanement nulle part.

Dès que j’ai obtenu la confirmation qu’il n’y avait aucun dossier de dédouanement de ma voiture, je suis retourné aux Douanes afin de faire le compte rendu de ma recherche et de demander comment je pourrais récupérer ma voiture toujours saisie. Dans le bureau des Douanes, on m’a établi le montant à payer. Il s’élevait à 8 millions de FCFA. J’ai abandonné toute envie de récupérer ma voiture et je me suis tourné vers le vendeur.

 

Plainte au commissariat contre le vendeur.

Le 18 février, je dépose une plainte dans un commissariat à Douala contre le vendeur et l’importateur de la voiture. Il s’agit d’une plainte pour fraude, escroquerie et abus de confiance. Quelques jours plus tard, le vendeur est interpellé par la police et une enquête menée par le commissariat de police. Cette enquête durera environ un mois, puis le dossier d’enquête sera transmis au parquet. Le vendeur payera une caution au parquet afin de comparaître libre au procès.

La première audience du procès s’est déroulée au mois d’Avril. Deux autres audiences ont eu lieu en Mai et en Juin. Un procureur de la république s’occupe de mon dossier. Quant au vendeur, il a plaidé non coupable devant le juge et a pris un avocat. Le vendeur aurait aussi déposé une plainte contre l’importateur, mais ce dernier semble introuvable jusqu’à présent.

 

Les remises de la Douane.

La privation de mon véhicule ayant un impact négatif sur mon transport quotidien pour me rendre au travail, j’ai sollicité une clémence des services de douane, afin de bénéficier d’une réduction des frais à payer pour récupérer ma voiture.

Grâce à des amis qui m’ont aidé à plaider ma bonne foi auprès des services des douanes, j’ai bénéficié d’une réduction des frais. On m’a de ce fait fixé un nouveau montant du dédouanement, plus une amende pour une valeur totale de 3 millions de FCFA.

Quand j’ai pu réunir l’argent requis pour le dédouanement, j’ai payé et la douane m’a remis les reçus nécessaires. Lors du paiement des frais de douanes, il y a un montant forfaitaire de dix mille francs CFA à payer pour le dépôt de la taxe de dédouanement dans un compte à la banque. Il ne me souvient pas avoir reçu une attestation pour ce paiement forfaitaire.

Le sabot d’immobilisation de ma voiture a été retiré et j’ai récupéré mon bien. Le véhicule étant resté garé dans la cour du bureau des douanes pendant quatre mois, je l’ai malheureusement récupéré dans un mauvais état, à cause des détériorations entraînées par les intempéries et la longue immobilisation.

 

L’épilogue bizarre.

Le jour où j’ai payé mes frais de Douane pour récupérer ma voiture, un reçu m’a été remis, la voiture a été remise en état de rouler par un garagiste, puis je suis parti. Une heure plus tard, le bureau des douanes m’a appelé, m’informant que mon Numéro Identifiant Unique n’est pas enregistré et en conséquence, que mon paiement ne peut être validé. Le numéro Identifiant Unique est un numéro que tout contribuable doit avoir au Cameroun lorsqu’il paye ses impôts et taxes. L’Etat donne désormais la possibilité aux citoyens de créer ce numéro sur le portail Internet de la Direction Générale des Impôts. Je possède bien un Numéro d’Identifiant Unique que j’ai créé et utilise depuis plus d’un an.

 

Quelques jours plus tard, je me suis rendu dans un service des impôts à Douala, où un fonctionnaire m’a confirmé que mon Numéro Identifiant Unique est bien actif dans le système des impôts. J’ai ensuite appelé le bureau des douanes pour faire part de mon incompréhension. Un fonctionnaire des douanes m’a alors informé que mon paiement n’est pas finalisé, car mon Numéro Identifiant Unique doit également être enregistré auprès des Douanes. C’est donc une procédure interne dans les services des douanes.

C’est très surprenant que l’usager qui a déjà un numéro de contribuable actif aux impôts et qui paye ses droits de douane, doive encore aller dans un service des douanes pour faire enregistrer son numéro de contribuable.

En attendant, malgré des frais de douane payés pour une voiture achetée à crédit en seconde main déjà immatriculée au Cameroun et malgré un procès en cours contre le vendeur et l’importateur, je dois encore me rendre à la direction des douanes à Douala afin de faire enregistrer le numéro de contribuable qui permettra à l’Etat de collecter mes frais de douanes.

Pendant ce temps, mon véhicule n’est toujours pas enregistré dans la plateforme de dédouanement. Affaire bien bizarre.

 

Serge Mbarga Owona

Mathématicien, écrivain, professionnel des télécommunications.

 

 Quelques liens de services publics utiles :

 Comment vérifier que son véhicule a payé les frais de douane : www.portran.cm

 Comment créer son identifiant fiscal (NIU): https://teledeclaration-dgi.cm