samedi 28 août 2021

C'est quoi être camerounais? Interprétation de la camerounité sous le prisme du chant de ralliement.

Ô Cameroun.

Ces deux mots sont l'introduction dans le Triangle National.

Ils sont la célébration d'un nom qui est né de la découverte admirative faite à une époque ancienne par d'autres, pour d'autres. Ce fut ainsi. Cette rivière des crevettes est celle que nous appelons Wouri avec nos propres mots. Ce fut une rivière de richesses. Rio Dos Camaroes.

Rio Dos Camaroes. Faut-il s'en défaire, le changer ? La rivière des crevettes a drainé depuis notre conscience nationale qui a grandi dans son lit fécond.

Ô Cameroun ; rivière qui étanche notre soif, nourrit son peuple, lave et rafraîchit nos corps, irrigue nos terres fertiles, nous relie les uns avec les autres et nous conduit à la découverte du monde.

Ô Cameroun, célébration poétique du don de la nature.


Berceau de nos ancêtres.

C'est la terre d'Afrique sur laquelle les plus anciens ont été déposés.

Sur son doux feuillage, ils ont été posés par la nature et l'Eternel. En forêt, dans la savane, sur les montagnes, sous le feuillage des palétuviers de la mangrove, sur les plages en bordure de mer ou dans l'océan Atlantique, et même sur le sable chaud du désert, nos ancêtres ont regardé vers l'immensité du ciel, leurs corps nouveaux nés posés sur la terre d'Afrique en Miniature.

Le Cameroun est le berceau de nos ancêtres, l'endroit où ils virent le jour et qui les protégea des dangers jusqu'au moment où ils purent le protéger à leur tour. Berceau de nos ancêtres, le lieu qui les a vus naître.


Va debout.

C'est le pays en mouvement. Celui qui refuse de rester sur place. Il est dynamique, prend son chemin et y avance, alerte, droit devant et debout surtout.

Il va debout, à la rencontre de son destin qu'il prépare, imagine, entrevoit et accomplit. Ce n'est pas un pays qui est couché, ce n'est pas un pays qui se fait abattre. Il est en équilibre et il va de l'avant au milieu des autres Nations, parmi les autres Nations, avec les autres Nations et devant les autres s'il le faut. C'est un pays Leader.


Jaloux de ta liberté.

La liberté ne se donne pas. La liberté est un combat qu'il faut gagner. C'est un trophée qu'il faut conserver en bataillant contre tous les prédateurs qui déploient leurs chaînes de la soumission.

La Liberté est notre plus grand pouvoir. La liberté de défendre les intérêts du pays, la liberté de parler d'égal à égal avec les autres peuples. La liberté qu'il faut conserver avec jalousie contre les tentations et menaces afin qu'elles aillent divaguer ailleurs.

Jaloux de ta liberté afin qu'elle demeure au centre de nos préoccupations, qu'on soit attentifs à son évolution, qu'on en fasse notre cheval de bataille permanent.

Quand on reste jaloux de sa liberté, on ne peut pas la brader pour s'en débarrasser.


Comme un soleil ton drapeau fier doit être.

Le drapeau. Il permet de dire : je suis camerounais. Il parle sans qu'on ait besoin de prononcer un seul mot. Il affiche des valeurs intrinsèques du Cameroun. La Paix, Le Travail, l'Unité dans la diversité. Il symbolise la République Unitaire Décentralisée.

Le drapeau du Cameroun est composé de trois couleurs. Le vert, le rouge et le jaune. Il est muni d'une étoile d'or sur le rouge.

Ce drapeau est un soleil qui brille partout, éclaire, réchauffe et apporte son énergie à tous sans filtre. C'est un soleil qui contient les couleurs panafricaines et l'étoile de l'unité nationale.

Le Vert-Rouge-Jaune est un drapeau tricolore fier du symbole qu'il représente. Le Vert de la forêt dense, le rouge du sang des martyrs, des résistants et des héros tombés sur le champ d’honneur ; le jaune de la flamboyance des filles et fils de ce pays confluent de plusieurs civilisations africaines. Forestières, fluviales, montagnardes et sahéliennes.


Un symbole ardent de foi et d'Unité.

Le drapeau est une étoffe colorée. Quelques couleurs imprimées sur un morceau de tissus. Ce n'est pas que cela. Bien plus, c'est le symbole ardent, c'est-à-dire plein d'énergie, vivant et vibrant de notre foi envers le Cameroun.

La foi pour cette terre qui nourrit son peuple, le protège, assure son épanouissement et lui garantit une place respectable dans le concert des Nations mondiales. La foi en un présent à vivre, à assumer, car bon ou mauvais, il est la matérialisation du travail des ancêtres et des anciens. La foi en un avenir pensé, imaginé, bâti et continuellement amélioré au bénéfice des filles et des fils de ce pays.

Le drapeau est un symbole ardent d'Unité. Partout où il s'affiche, on reconnaît un des siens. Un camerounais ou une camerounaise. Il est l'étoffe dont on se couvre tous ensemble, devenant le fil qui relie les uns aux autres, la toile sous laquelle on s'abrite du vent, de la poussière ou de la pluie. Le drapeau ne se déchire pas, il n'est pas un objet de division, il est la fibre qui entretient l'unité.


Que tous tes enfants du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest soient tout amour.

On est camerounais partout, où qu'on aille. On est partout chez soi au Cameroun.

Tous ceux qui se reconnaissent enfants de la famille Cameroun, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest ont en commun l'amour du pays. Le pays disent-ils d'ailleurs pour nommer leur terre. C'est un code public à travers lequel ils communiquent. Lorsqu'ils disent "le Cameroun", ça signifie qu'il y a peut-être un étranger à leur pays dans la communication.

Les camerounais sont Unis dans l'amour de leur pays et sont réunis par amour. L'amour de tous pour chacun et l'amour de chacun pour tous. C'est l'amour de l'Afrique en Miniature dans l'Afrique en Miniature, entre gens issus d'Afrique en Miniature. 


Te servir que ce soit leur seul but.

Un seul but: servir le Cameroun.

Se mettre au service du pays, car c'est la voie directe pour mieux vivre avec toutes et tous dans une Prospérité harmonieuse et durable.

Le camerounais ne sert pas son pays comme on sert un maître. Non. Il ne s'agit pas d'une relation d'asservissement. Le Cameroun sert son pays tel un citoyen qui bâtit sa maison. Il est au service de son pays pour le compte de son développement, le développement de sa famille, celui de ses concitoyens, le progrès de la cité nationale.

Servir sans asservir ni se servir. Le chant de ralliement est très clair sur ce point. Il y a un unique but : servir. Mettre le pays au centre de tous les intérêts, non pas pour l'exploiter ou pour en faire sa vache à lait. Mettre le pays au centre de tous les intérêts afin d'être un maillon fort de la chaîne de sa réussite. Pour être un maillon fort, il faut s'en donner les moyens. L'unicité du but permet de concentrer les efforts comme un concentrateur d'énergie qui recueille chaque photon et les associe tous ensemble pour en accroitre la puissance.


Pour remplir leur devoir toujours.

Quel est-il ce devoir à remplir ? C'est quoi ce devoir ? C'est un ensemble d'actions ou de réflexions au service du pays dans le but de le promouvoir, de défendre ses intérêts et de contribuer à sa prospérité. Le chant de ralliement demande que le devoir fût rempli toujours. Remplit et non exécuté à moitié ou au tiers.

Toujours, comme une action perpétuelle, pérenne. Remplir le devoir est une profession de foi pour le pays, un serment d'allégeance au service d'un symbole, le pays qui est une Miniature africaine et donc la terre de rencontre des africanités, les diversités africaines.

Le devoir au service de la Patrie devenant une seconde nature pour les camerounais. La preuve éclatante du leadership d'un pays de citoyens aux consciences matures.


Chère Patrie, Terre Chérie.

Le cœur parle ici. Il bat dans une relation d'amour entre nous et lui. Nous le peuple et lui la terre. Nous les citoyens et lui la patrie. La mère patrie. Il se pourrait qu'elle fût parfois amère, devenant l'amère patrie. Mais, nous savons changer l'amertume en délice exquis. Le plat national appelé ndolè en est la preuve éclatante avec sa saveur exaltante et son onctuosité épatante.

Chère Patrie, notre chère patrie, elle est très chère à nos cœurs qui battent la chamade lorsqu'on vibre pour elle. Les circonstances ne manquent pas. Celles pour lesquelles nous sommes géants prenant notre envol sur le Char des Dieux. Le Mont Cameroun, notre terre Chérie.

Les circonstances sont intellectuelles, quand l'un de ceux où celles issus d'ici brillent dans les agoras de la pensée innovante, profonde, inspirante. Elles sont sportives quand le Hemlé, l'énergie collective indéfectible d'ici, notre énergie vitale lutte et triomphe sur les terrains de jeu du monde. Les circonstances sont culturelles, lorsque les Manu Dibango mettent la joie dans les esprits en puisant dans les racines et la sève de nos multiples diversités extraordinaires.


Tu es notre seul et vrai bonheur, notre joie, notre vie.

Le Cameroun est-il le plus beau pays du monde ? Les plus analytiques demanderaient les critères de comparaison. Certains exigeraient que la beauté fût initialement définie au préalable.

En amour, ce qui compte n'est pas tenu dans un bloc de comptabilité. Ce qui compte est ressenti, éprouvé, perçu. Le Cameroun est le seul et vrai bonheur de celles et ceux qui l'aiment. Ils éprouvent le besoin de le lui dire, ils ressentent le vide de son absence s'ils s'en éloignent. Ils ont de la peine quand il est en peine et leur joie est intense quand il gagne. Le pays est leur seul et vrai bonheur. Il est leur joie, il donne du sens à leur vie.

Quel que soit leur nom, patriotes, républicains, enfants du Cameroun, ils ne justifient pas leur amour, car ils sont occupés à aimer. Ils sont occupés par l'amour de leur pays. Ils sont de plain-pied dans l'amour du pays.


A toi l'amour et le grand Honneur.

C'est le chant final, la phrase d'apothéose de l'hymne national. Les yeux sont tournés vers le symbole de la patrie, souvent le drapeau tricolore étoilé. Et l'amour vibre dans le cœur de celle où celui qui déclare sa flamme à l'Afrique en Miniature. Le serment est effectué et il ne reste plus qu'à vivre dans la perpétuation de cet amour, le respect du devoir d'honneur qui fait qu'on est grand parce qu'on voit son pays en grand et qu'on y contribue grandement.

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La camerounité: caractère de ce qui est camerounais, qui appartient sans équivoque au Cameroun.


Le Chant de ralliement:

Ô Cameroun , berceau de nos ancêtres,

Va debout et jaloux de ta liberté.

Comme un soleil ton drapeau fier doit être

Un symbole ardent de foi et d'unité.

Que tous tes enfants du nord au sud,

de l'est à l'ouest soient tout amour,

Te servir que ce soit leur seul but,

Pour remplir leur devoir toujours.


Refrain :

Chère patrie, terre chérie,

Tu es notre seul et vrai bonheur,

notre joie et notre vie,

A toi l'amour et le grand honneur


Tu es la tombe où dorment nos pères,

Le jardin que nos aïeux ont cultivé.

Nous travaillons pour te rendre prospère.

Un beau jour enfin nous serons arrivés

De l'Afrique sois fidèle enfant,

Et progresse toujours en paix,

Espérant que tes jeunes enfants,

T'aimeront sans bornes à jamais.


Serge Mbarga Owona

Mathématicien, poète, écrivain.

vendredi 27 août 2021

Corruption à ciel ouvert.

Il fait beau ce mardi matin dans le quartier administratif de la capitale économique du Cameroun. Il fait beau à Bonanjo. Le soleil est haut dans le ciel bleu. Il ne fait pas encore trop chaud en ce mois d’août de la saison tropicale pluvieuse.


Quelle heure est-il ? Environ midi. Au bord de la route tapissée d'un goudron propre et noir foncé, des travailleurs viennent s'alimenter. Manger un morceau de pain rempli de morceaux de viande de bœuf mouillé de sauce pimentée ; déguster une délicieuse salade de fruit, ou un plat lourd de légumes succulents accompagnés de riz ou de manioc.


Dans un bureau de l'administration publique, une dame qui n'a pas encore pris sa pause mange un sandwich derrière un comptoir où des usagers viennent demander des renseignements ou effectuer des paiements divers. D'autres comptoirs sont vides dans ce grand espace où on entend le ronronnement rafraîchissant de la climatisation. Partout dans ce bureau propret, des tas de papiers et de dossiers sont éparpillés sur des armoires ouvertes, des tables encombrées et le sol carrelé où aucune trace de poussière n’est visible.


Trois usagers sont debout derrière un comptoir, attendant on ne sait qui, ou quoi. Ils sont patients et ne disent pas un mot. Ils sont concentrés à regarder les écrans de leurs smartphones sur lesquels doivent défiler des vidéos ou quelques faits divers hilarants.


Après quelques minutes d'attente, arrive un Monsieur, vieux quadragénaire qui rapidement s'adresse à un agent de l'Etat bourru, assis derrière un ordinateur et remplissant au stylo ce qu'il semble être des formulaires.


Le nouveau venu entre avec grande vivacité dans le bureau, puis il se place devant le comptoir en bois muni d’un verre transparent dans lequel une ouverture permet de communiquer. Il tient en main une liasse de documents qui semblent être des formulaires. Il s'adresse bruyamment à l'employé assis au fond du bureau dans un ton où se mêlent du désabusement, l'impatience et la volonté de conclure rapidement ce qu’il semble être une affaire d’importance.


  • Il ne répond pas au téléphone!

Dit l'usager en s'adressant à l'employé assis au fond du bureau.

  • Comment ça il ne répond pas?
  • Tu as appelé combien de fois?
  • Il faut en finir avec ça. Je n'ai plus le temps. Dit l'usager.


Cet échange est tenu pendant quelques secondes entre les deux protagonistes, l'usager du service public s'avançant rapidement vers le comptoir en fixant du regard l'agent de l'Etat. Arrivé devant le comptoir, le vieux quadragénaire sort une petite liasse de billets de banques qui sont aperçus par toutes personnes présentes dans le bureau et notamment l'employé lourdaud du fond de la salle.


En quelques secondes, les deux Messieurs se font face debout, séparés par le comptoir vitré, puis sans un mot dire, la petite liasse de billets change instantanément de propriétaire. Cet échange rapide n'échappe à personne dans le bureau. Personne n'en dit mot, puis l'agent du service public empoche la liasse de documents en main et retourne s'asseoir derrière son ordinateur, l'argent en poche.

Avec un petit sourire en bouche, le corrupteur déclara alors au corrompu :

  • Il faut accélérer les choses, car beaucoup d'argent est en jeu.

L'employé du service public, sans changer sa mine patibulaire absente, lui répond simplement sans changer le ton monocorde de sa voix de quinquagénaire qui en a déjà vu d’autres:

  • Je ne te garantis rien.

Le constat flagrant de cet acte de corruption entre deux citoyens majeurs et conscients étant fait, que faut-il en penser ? Y a-t-il quelque chose qui en puisse être pensé ? La question du comment est la plus simple à laquelle je puis répondre. Comment en arrive-t-on là?

Le corrupteur a banalisé un acte anormal qui a répondu à son besoin de voir une demande administrative connaître une évolution rapide et positive. Il a trouvé un interlocuteur qui lui a d’emblée semblé capable de répondre à son besoin en résolvant son problème. J'en conclus qu'il y a un problème fondamental de difficultés administratives entraînant la multiplication de ces actes illégaux qui brouillent les pistes permettant de répondre aisément et normalement aux besoins des citoyens dans leurs interactions avec le service public.


Comment résoudre ce problème grave? A mon avis, la transparence doit prévaloir dans la diffusion des procédures administratives. Il faut donc qu'elles soient toutes écrites d’abord. Qu’elles fussent donc écrites déjà, et que les usagers sachent où ils peuvent les consulter pour mieux en faire un usage utile. La digitalisation de ces procédures est l'étape supplémentaire. Digitaliser pour permettre aux usagers d'effectuer leurs démarches à distance, sans qu’ils doivent se déplacer. Ils gagneraient ainsi leur temps précieux et leur argent durement gagné.


Digitaliser, mais en offrant tout aussi la possibilité d'accéder à un service client de l'Etat disponible physiquement si on le souhaite. Un service capable de renseigner et d'aider rapidement avec toute la courtoisie nécessaire. Un interlocuteur d’Etat devenant plus service agréable que sévices pour l’usager qui en requiert le support, l’aide ou simplement la bonne information.

Il faut donc écrire, publier et si nécessaire améliorer les procédures, informer les usagers, éduquer autant les serviteurs d'Etat que les citoyens clients sur la nécessité d'un meilleur fonctionnement du service public au bénéfice de tous et en respectant les règles établies pour le bien de l’ensemble de la communauté.

L'information, la sensibilisation, l'éducation étant déjà en place, il faut dénoncer et réprimer les corrupteurs et leurs acolytes corrompus avec rudesse, sans faiblesse, ni répit.


Qui va dénoncer?

D'abord les témoins, ceux qui assistent aux actes de corruption. Leur garantir l'anonymat de la dénonciation, faciliter l’alerte sur le constat de corruption. Dénoncer, non parce qu'on va y gagner des points ou des rétributions financières. Mais dénoncer, car ceux qui brisent les règles cassent la société, installant le chaos des bandits entre les plus vicieux et les meilleurs brigands dans l'accomplissement des actes illégaux. Quand la cité est cassée, la normalité de l’honnêteté et les progrès qui en découlent sont piétinés par tous les lascars imbus d’avantages indus qui profitent à satiété de la destruction du bien-être commun.

La dénonciation est ensuite l’affaire des leaders, ceux qui sont responsables des structures, ceux qui doivent montrer les bons exemples, qui donnent parfois les ordres et doivent en suivre l’exécution. Ils sont chargés d'imprimer le rythme. C'est leur responsabilité, leur devoir devant l'histoire.


Que faisais-je un mardi matin dans le quartier administratif de Douala à Bonanjo ? J'essayais de procéder à l'enregistrement d'un fichier informatisé dans un serveur afin qu'il soit transmis à un autre serveur, tous deux dépendant du service public. Je n'ai pas réussi cet enregistrement, car semble-t-il, je n'étais pas au bon endroit, au bon moment.

Un usager très courtois à qui je demandai un renseignement ce matin-là me confia qu'il faudrait que je sois patient pour la réussite de l’enregistrement digital de mon fichier déjà informatisé. Je le remerciai et m'en allai continuer ma vie de vacancier en cette saison perpétuellement estivale où je contemple quelques beautés quelconques tout sourire, sous le soleil pluvieux de Douala.


Serge Mbarga Owona.

Mathématicien, poète, écrivain.

dimanche 15 août 2021

Cameroun: Bientôt 40 ans de développement (1982 – 2019)

 Le Cameroun obtient son indépendance le 1er Janvier 1960. A l’époque, c’est un pays peuplé de cinq millions d’habitants. Ses principales productions économiques sont agricoles : Cacao, Café, Coton, Banane, Bois précieux. L’exploration pétrolière débute en 1947. Vingt-cinq ans plus tard en 1972 les premières découvertes pétrolières commerciales sont effectuées dans le bassin de Rio Del Rey à l’est de la péninsule de Bakassi. 


Bassin du Rio Del Rey à l’est de la presqu’ile de Bakassi


Le Cameroun s’est-il développé pendant les quatre premières décennies de son indépendance ? Ce développement a-t-il été important au point d’en être suffisamment satisfait ? Voilà quelques questions auxquelles va répondre cet article non pas à l’aide de rhétoriques, d’opinions ou de convictions, mais à l’aide de données factuelles issues de sources sérieuses et rigoureuses, vérifiables par tout le monde.


Pour affirmer qu’un pays s’est développé ou pas pendant une période donnée, il faut analyser des indicateurs économiques standards pendant cette période. J’en ai choisi cinq qui sont :


  1. Le nombre d’habitants
  2. L’évolution du taux de mortalité infantile
  3. L’espérance de vie à la naissance
  4. Le Produit Intérieur Brut
  5. L’indice de Développement humain


Pour apprécier l’importance d’un développement, il faut pouvoir le comparer avec celui d’autres pays au cours de la même période. J’en ai choisi quatre autres :

  • La Côte d’Ivoire
  • Le Ghana
  • Le Kenya
  • La Tanzanie

Parmi les quatre pays choisis pour comparer leur développement à celui du Cameroun depuis 1982, il y a un pays francophone et trois pays anglophones. Le pays francophone choisi, la Cote d’Ivoire est celui qui se rapproche le plus du Cameroun en termes de nombre d’habitants, de structures économique avec notamment une production agricole basée sur des cultures de base destinées à l’exportation notamment le Cacao et le Café. C’est un pays d’Afrique de l’Ouest appartenant à l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine). Sa monnaie est le Franc CFA (Franc de la Communauté Financière Africaine).

Le Ghana est un pays anglophone d’Afrique de l’Ouest qui est choisi pour sa taille en termes de population pas très éloignée de celle du Cameroun, pour sa stabilité politique, pour son dynamisme économique marqué notamment par la possession d’une monnaie nationale, le Cédi.

Le Kenya et la Tanzanie sont deux autres pays anglophones dont la population est beaucoup plus importante. Ils sont choisis comme éléments de comparaison avec le Cameroun grâce à leur stabilité politique, leur dynamisme économique et leur localisation géographique en Afrique de l’Est. La monnaie nationale du Kenya est le Shilling Kenyan et celle de la Tanzanie est le Shilling Tanzanien.


I. Le nombre d’habitants du Cameroun entre 1982 et 2019.

Cet indicateur est utilisé pour donner un ordre d’idée sur la population camerounaise, car c’est elle qui constitue la force vive responsable du développement du pays. Puisque ce sont d’abord les camerounais qui développent leur pays, il est important de connaître combien ils étaient en 1982 et combien ils sont en 2019. C’est un indicateur qui est également important, car il permet de comparer l’évolution de la population camerounaise avec celle de pays dont la population est d’un volume non pas égal, mais similaire. Ni trop inférieur, ni exagérément supérieur.

En 1982, il y avait environ 9 millions de camerounais, la population du pays a quasiment triplé en près de 40 ans, atteignant aux alentours de 26 millions d’habitants en 2019.

Dans le graphique ci-dessous, on voit que le nombre d’habitants du Cameroun et celui de la Côte d’Ivoire sont pratiquement confondus, tandis que la population du Ghana et surtout celles du Kenya et de la Tanzanie sont largement supérieures à celles du Cameroun.

En 2019, il y a environ 26 millions de camerounais, 26 millions d’ivoiriens, 31 millions de ghanéens, 53 millions de kenyans et 58 millions de tanzaniens.


II. L’évolution du Taux de Mortalité Infantile du Cameroun entre 1982 et 2019.

Le Taux de mortalité est un chiffre qui indique le nombre d’enfants qui meurent avant l’âge de 5 ans sur un ensemble donné de 1000 enfants naissant dans un pays.

  • En 1982, sur un échantillon de mille enfants qui naissaient au Cameroun, 113 mourraient avant d’atteindre l’âge de 5 ans. En 2019, sur 1000 enfants qui naissent, 50 meurent avant d’atteindre l’âge de 5 ans.
  • En 1982, sur un échantillon de mille enfants qui naissaient en Côte d’Ivoire, 111 mourraient avant d’atteindre l’âge de 5 ans. En 2019, sur 1000 enfants qui naissent en Côte d’Ivoire, 58 meurent avant d’atteindre l’âge de 5 ans.

Tableau comparatif des taux de mortalité infantile en 1982 et 37 ans plus tard au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.


Les cinq pays de notre tableau comparatif ont réduit la mortalité des enfants de moins de 5 ans entre 1982 et 2019.

Sur la liste des 5 pays, le Cameroun avec 56% de réduction de la mortalité infantile occupe la 3e place derrière le Ghana (67%) et la Tanzanie (66%). Il réalise une meilleure performance que le Kenya (53%) et le côte d’Ivoire (48%).

En résumé sur la lutte contre la mortalité infantile entre 1982 et 2019, nous avons le classement suivant:

  1. Ghana
  2. Tanzanie
  3. Cameroun
  4. Kenya
  5. Côte d’Ivoire

Tableau montrant l’évolution annuelle des Taux de mortalité Infantile au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie de 1982 à 2018.


Ce graphique nous montre que le Kenya a toujours eu une Mortalité infantile faible comparé aux quatre autres pays. Cette mortalité a augmenté de 1988 à 1992, mais à partir de 1993, elle diminue régulièrement.

Le Ghana a une mortalité infantile qui diminue régulièrement et on note qu’en 1989, alors que la mortalité infantile diminue au Ghana, elle augmente régulièrement au Cameroun de 1991 à 1997. A partir de 1998, la mortalité infantile recommence à diminuer au Cameroun. La diminution s’est accélérée entre 2010 et 2019 avec des taux compris entre 3% et 4% alors que précédemment, elle était entre 1% et 2% en moyenne.

La Tanzanie réalise une performance remarquable par rapport au Cameroun en obtenant une meilleure baisse de sa mortalité infantile à partir de 1997, tandis que celle du Cameroun stagne. De 1997 à 2019, la mortalité infantile baisse en moyenne de 4% en Tanzanie, pendant que la baisse n’est que de 3% au Cameroun.

III. L’espérance de vie à la naissance au Cameroun de 1982 à 2019.

L’espérance de vie dans un pays est la durée moyenne de la vie des habitants de ce pays. L’espérance de vie dépend de plusieurs facteurs, l’alimentation, l’activité sportive, la qualité du système de santé, l’équilibre psychologique des individus. Elle est une des expressions de l’amélioration de la qualité de la vie dans un pays. Dans les pays où les individus vivent mieux, ils vivent aussi plus longtemps.

Tableau comparatif de l’espérance de vie en 1982 et 36 ans plus tard en 2018 au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.


Les cinq pays de notre tableau comparatif ont allongé l’espérance de vie de leurs habitants entre 1982 et 2019.

Au Cameroun, l’espérance de vie a été rallongé de 6 ans, il en a été pareil en Côte d’Ivoire. Au Ghana, l’espérance de vie a été rallongée de 11 ans ; 8 ans au Kenya et 15 ans en Tanzanie.

Sur la liste des 5 pays, le Cameroun et la Côte d’Ivoire sont ceux qui réalisent la moins bonne performance sur le rallongement de l’espérance de vie de leurs habitants. Dans ces deux pays, les habitants n’ont gagné de 6 ans de vie en entre 1982 et 2018.

La Tanzanie est le pays qui réalise la meilleure performance, car sur la même période, les tanzaniens ont gagné 15 années de vie supplémentaire.

En résumé sur le rallongement de l’espérance de vie entre 1982 et 2018, nous avons le classement suivant :

  1. Tanzanie (15 ans)
  2. Ghana (11 ans)
  3. Kenya (8 ans)
  4. Cameroun (6 ans)
  5. Côte d’Ivoire (6 ans)

Dans l’analyse de l’indicateur sur l’espérance de vie, il y a certes la performance sur la rallonge, mais il y a aussi la durée absolue de l’espérance de vie dans chacun de ces pays en 2018. Cet autre regard sur l’espérance de vie donne le classement suivant :

  1. Kenya (66 ans)
  2. Tanzanie (65 ans)
  3. Ghana (63 ans)
  4. Cameroun (58 ans)
  5. Côte d’Ivoire (57 ans)

Tableau montrant l’évolution annuelle des Espérances de vie au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie de 1982 à 2018.

 


Sur ce tableau, on remarque que l’Espérance de vie au Cameroun était supérieure à celle de la Tanzanie jusqu’en 1999 et en 19 ans, la Tanzanie a gagné 14 points d’Espérance de vie, pendant que le Cameroun n’en gagnait que 8.

IV. L’évolution du Produit Intérieur Brut du Cameroun de 1982 à 2019.

Le PIB (Produit Intérieur Brut) est un indicateur économique qui mesure la valeur de l'ensemble des biens et services produits sur le territoire d'un pays donné au cours d'une période donnée quelle que soit la nationalité des producteurs présents sur ce territoire.

Les biens peuvent être des ressources minières, des ressources agricoles, des machines-outils, etc. Les services peuvent être des offres de télécommunication, des services éducatifs, hospitaliers, administratifs, des services à la personne (agent d’entretien, aide-ménagère, …) etc.

Dans cet article, la période de référence considérée pour la mesure du PIB est l’année.

Tableau comparatif des PIB par habitants exprimés en dollars en 1982 et 37 ans plus tard en 2019 au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.

Comparé à la Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et à la Tanzanie, le Cameroun a effectué la moins bonne performance sur la création des richesses rapportée à l’évolution de la population camerounaise entre 1982 et 2019.

Que ce soit en valeur absolue lorsqu’on fait la différence entre les richesses moyennes de chaque habitant en 2019 et les richesses en 1982, ou en valeur relative pour exprimer le pourcentage d’évolution du PIB entre 1982 et 2019, le Cameroun a également effectué la moins bonne performance, comparé aux 4 autres pays.

Sur le graphique ci-dessous montrant l’évolution des PIB des 5 pays (Cameroun, Cote d’Ivoire, Ghana, Kenya et Tanzanie), on note que jusqu’à 2009, le Cameroun avait le PIB par habitant le plus élevé avec une valeur de 1315 dollars. Mais à partir de 2010, ce PIB décroit fortement.

En rapprochant cette évolution des PIB par habitants avec la production Pétrolière du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Ghana, on remarque qu’après son pic de production pétrolière en 1985 (185 millions de barils), la production du Cameroun baisse inexorablement d’années en années.

En 2010, le PIB par habitant du Ghana (1299 dollars) devient légèrement supérieur à celui du Cameroun (1287 dollars) et en 2011, avec le pic de croissance de la production pétrolière au Ghana (de 7 à 77 millions de barils entre 2010 et 2011), son PIB devient très largement supérieur à celui du Cameroun (1549 dollars pour le Ghana et 1405 dollars pour le Cameroun).

En 2014, le PIB par habitant de la Côte d’Ivoire (1561 dollars) devient supérieur à celui du Cameroun (1543 dollars). En 2014, la production de pétrole de la Côte d’Ivoire est régulière autour de 36 millions de barils par an, soit un peu moins que la production pétrolière du Cameroun (75 millions de barils).

En 2015, le PIB par habitant du Kenya (1337 dollars) devient supérieur à celui du Cameroun (1328 dollars). Le Kenya a une croissance régulière de son PIB depuis 2008. Cette croissance régulière s’accélère légèrement entre 2010 et 2019, atteignant une valeur moyenne de 7% pendant que dans la même période, la croissance du PIB du Cameroun est de 2% en moyenne.

 


De 2010 à 2019, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Kenya et la Tanzanie ont respectivement des taux de croissance de leurs PIB égaux à 9%, 7%, 7% et 5%. Dans le même temps, la croissance moyenne du PIB du Cameroun est égale à 2%.

Le Ghana et la Cote d’Ivoire ont bénéficié du développement de leur secteur pétrolier pendant que celui du Cameroun est en décroissance constante. Quant au kenya et à la Tanzanie, ils ont su développer la croissance de leurs PIB, en les maintenant solides et réguliers entre 2010 et 2019.

Le PIB du Cameroun a connu plusieurs fluctuations qui s’expliquent par de nombreux évènements : dévaluation du FCFA en 1994. Décrochage en 2010 à la suite de la crise financière de 2008, guerre contre Boko Haram depuis 2014, entraînant une baisse du PIB en 2015. Le graphique ci-dessous montre les différentes fluctuations du PIB camerounais :


De 1982 à 2011, le Cameroun a maintenu le PIB par habitant le plus élevé (1315 dollars), comparé à ceux de la Côte d’Ivoire (1215 dollars), du Ghana (1078 dollars), du Kenya (905 dollars) et de la Tanzanie (695 dollars).

Globalement sur la période 1982 – 2019, le Cameroun a effectué la moins bonne performance de la croissance du PIB par habitant tant en valeur absolue qu’en valeur relative.

Chiffres des performances du PIB par habitant en valeur absolue en 1982 et 2019 :

  1. Ghana (1856 dollars)
  2. Kenya (1454)
  3. Côte d’Ivoire (1413)
  4. Tanzanie (900)
  5. Cameroun (708)

Chiffres des performances de la croissance du PIB par habitant entre 1982 et 2019 :

  1. Ghana (536%)
  2. Tanzanie (405%)
  3. Kenya (401%)
  4. Côte d’Ivoire (164%)
  5. Cameroun (89%)

Chiffres de la valeur du PIB par habitant en 2019 :

  1. Côte d’Ivoire (2276 dollars)
  2. Ghana (2202 dollars)
  3. Kenya (1817 dollars)
  4. Cameroun (1507 dollars)
  5. Tanzanie (1122 dollars)


V. L’évolution de l’Indice de Développement Humain du Cameroun entre 1982 et 2019.

L’Indice de Développement Humain (IDH) est un indicateur qui permet de mesurer la qualité de vie moyenne de la population d’un pays. Cet indice va de 0 à 1. La valeur 1 signifie que la qualité de vie est idéale dans un pays. L’IDH tient compte de trois composantes du développement humain :

  • La possibilité d’avoir une vie longue et en bonne santé grâce à la mesure de l’espérance de vie à la naissance.
  • Le niveau de scolarisation en prenant en compte le taux d’analphabétisme et l’accès des élèves aux différents niveaux du système scolaire (Primaire, secondaire, universitaire).
  • Le standard de vie calculé à partir du Produit Intérieur Brut et en tenant compte de la parité du Pouvoir d’Achat.

Tableau comparatif des valeurs de l’Indice de développement humain en 1985 et 32 ans plus tard en 2017 au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.


Evolution annuelle des indices de développement humains du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Kenya et de la Tanzanie de 1985 à 2017

 


Ce graphique montre que le Cameroun a une progression régulière de son IDH derrières ceux du Ghana et du Kenya. Les valeurs de l’IDH de la Tanzanie suivent la même tendance croissante que celles du Cameroun, alors que la Côte d’Ivoire a un IDH qui évolue de façon moins affirmée comparé à ceux des quatre autres pays indiqués dans le graphique.

Un zoom sur l’évolution de l’IDH du Cameroun montre que les conditions de vie s’améliorent au Cameroun depuis 1982.

Après une baisse de son IDH entre 1990 et 1994, le Cameroun poursuit l’amélioration des conditions de vie de ses habitants, la scolarisation des jeunes et le développement de son économie.

Chiffres des performances de l’IDH en 2017 :

  1. Ghana (0592)
  2. Kenya (0590)
  3. Cameroun (0556)
  4. Tanzanie (0538)
  5. Côte d’Ivoire (0492)

En analysant la croissance de la Population du Cameroun, l’évolution du taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, l’espérance de vie à la naissance, le Produit Intérieur Brut (PIB) et l’Indice de développement Humain (IDH) entre dans la période comprise globalement entre 1082 et 2019 on obtient les valeurs rigoureuses suivantes :

En comparant les performances du Cameroun à celles de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Kenya et de la Tanzanie sur la même période, on obtient les positions ci-dessous :


Sur la base des valeurs ci-dessus, le classement des pays les plus performants dans la conduite de leur développement pour la période débutant en 1982 et s’étendant jusqu'en 2019 est le suivant :

  1. Ghana
  2. Kenya
  3. Tanzanie
  4. Cameroun
  5. Côte d’Ivoire

Sources de données:


Serge Mbarga Owona

Mathématicien, Poète, Ecrivain.

Chef de Département Produits et Services Télécoms