samedi 20 novembre 2021

Match de football Cameroun contre Cote d’Ivoire: la victoire est sucrée.

Mardi dernier, 16 novembre 2021, le Cameroun a joué contre la Côte d'Ivoire dans un match de football comptant pour les qualifications à la prochaine coupe du monde prévue au Qatar en juin 2022. Le match s'est déroulé à Douala, à 20 heures, au Stade de Japoma. J'y étais, nous avons gagné grâce à un but magnifique et plein d'adresse du talentueux attaquant camerounais Karl Toko Ekambi.


Le Cameroun devait absolument gagner ce match, car dans cette phase éliminatoire, il n'y avait que le premier de chaque poule qui se qualifiait pour le tour éliminatoire suivant. Avant le match, la Côte d'Ivoire était l’équipe leader de la poule avec 13 points, en ayant gagné 4 matchs et concédé un match nul. Chaque match gagné donne en effet 3 points ; en cas de nul, chaque équipe engrange 1 seul point. Quant au Cameroun, avant de jouer son dernier match contre la Côte d'Ivoire, il en avait gagné 4 contre le Malawi et le Mozambique et il avait perdu à Abidjan quelques semaines plus tôt contre la Côte d'Ivoire sur un score de 2 buts à 1. Avant de jouer mardi 16 novembre à Japoma contre les Éléphants, les Lions avaient donc 12 points. S'ils perdaient contre les Éléphants, ils étaient éliminés. S'ils faisaient un match nul, ils étaient éliminés. Ils devaient absolument gagner pour passer à l’étape suivante des qualifications.


La plupart des matchs qui se jouent en cette période affectée par la pandémie du Corona virus le sont sans spectateurs, pour éviter que le fort regroupement du public dans les stades n'entraînât de catastrophiques transmissions du virus. Mais compte tenu de la ferveur populaire du football au Cameroun et en tenant compte de l'enjeu très important de cette rencontre sportive pour les camerounais, le Cameroun demanda l'autorisation d'avoir 25 mille spectateurs au stade de Japoma. 25 mille spectateurs constituent la moitié de la capacité totale de cette enceinte sportive moderne et dans laquelle les rencontres sportives officielles se jouent depuis le Championnat d'Afrique des Nations en janvier 2021. Pendant cette compétition qui regroupa 16 pays africains au Cameroun, le port du masque et le respect des mesures barrières anti covid furent les principales précautions employées pour la tenue des rencontres sportives. A la fin de la compétition, il n’y eut pas une explosion des cas de contamination de Covid causés par cette compétition sportive qui fut une belle réussite populaire.



Afin que l'autorisation d'accueillir 25 mille spectateurs au stade de Japoma lui soit accordée par les instances sportives internationales, le Cameroun a pris cinq mesures destinées à empêcher les contaminations par la pandémie du Covid 19. Ces mesures sont indiquées dans un courrier adressé par le Ministre de la Santé à son homologue des Sports le jeudi 11 novembre 2021 :

  • Accès au stade uniquement aux spectateurs munis d’un test de diagnostic rapide (TDR) de moins de 24 heures
  • Enregistrement des spectateurs en ligne sur une plateforme dédiée ou sur les sites de dépistage
  • Ouverture de 25 sites de dépistage la veille du match jusqu’au jour du match à 14 heures
  • Tests de type PCR pour les délégations et des spectateurs VIP par des équipes mobiles avec communication des résultats le même jour
  • Contrôle des pass sanitaires en amont du stade par 10 binômes grâces à leurs smartphones équipés de l’application dédiée aux tests et vaccins du Covid-19 au Cameroun.

En plus de ces mesures, le port du masque est obligatoire pour accéder au stade. Le vendredi 12 novembre 2021, à la suite du courrier du Ministre de la santé, son représentant dans la région du Littoral dont la capitale est Douala émit un communiqué destiné à être relayé dans les médias dans lequel il donna l’adresse de 9 centres de tests Covid-19 dans lesquels le public désireux de se rendre au match pourrait effectuer les tests de dépistage. Le communiqué indique également la nécessité d’un pré enregistrement des spectateurs sur la plateforme dédiée aux tests et vaccin contre le Covid-19 au Cameroun.


Pour s'inscrire sur la plateforme dédiée aux tests et vaccin contre le Covid-19 au Cameroun, il faut fournir une adresse email, un numéro de téléphone, puis un ensemble d'autres informations telles que les personnes avec lesquelles on est régulièrement en contact. Certaines informations telles les personnes avec lesquelles on est régulièrement en contact et leurs numéros de téléphone ne sont pas indiquées comme étant indispensables, mais si on ne les renseigne pas, il est impossible de clôturer le processus d'inscription. Compte tenu de cette contrainte, il est possible d’y inscrire des informations inexactes, simplement pour clôturer son inscription. Par exemple, lors de mon inscription sur cette plateforme, j’ai dû indiquer que le personnage complètement loufoque « Hgrd » âgé de 21 ans et dont le téléphone est « 895543221 » est un de mes contacts, uniquement parce que l’absence de ces informations m’empêchait de valider le processus de mon enregistrement sur cette plateforme.


En fin de journée du lundi 15 novembre, je me suis rendu dans un centre indiqué dans le courrier du Délégué Régional de la Santé du Littoral afin d'effectuer mon test dans le délai autorisé de 48 heures. Il faut noter en effet que le match se jouant mardi à 20 heures, les centres de tests auraient dû ouvrir leurs portes à partir de dimanche soir à 20 heures pour effectuer les tests covid aux 25 mille potentiels spectateurs en exploitant toute la plage de temps indiquée pour la conformité des tests. Je ne sais pas si les centres étaient ouverts pour la réalisation des tests dès le dimanche soir à 20 heures. D’ailleurs, il convient de noter que le délai de 48 heures n’était pas celui initial de 24 heures indiqué dans le courrier du Ministre de la Santé.


Le lundi 15 novembre en fin de journée, lorsque je me suis rendu au centre des tests du quartier Mbangué à Douala, j'y ai vu des policiers assis dans le hall d'entrée, ainsi qu'une dame appartenant à une société de sécurité. Je leur ai demandé la procédure pour effectuer les tests et ils m'ont simplement indiqué que le centre était fermé et qu'il serait ouvert le lendemain à partir de 7 heures du matin. Dans ce type de processus, l’information qu’on communique aux usagers, sa qualité et sa précision sont capitales, surtout lorsqu’il s’agit d’un événement suscitant un très fort engouement populaire.

A mon avis, dans chaque Centre retenu pour la réalisation des tests anti covid liés à cette rencontre sportive, chaque usager devait être reçu par un agent d’accueil formé sur la communication de la procédure d’enregistrement, de réalisation du test, de communication des résultats et d’utilisation desdits résultats pour l’accès au stade de Japoma. A mon sens, cette procédure se résume en les informations clés suivantes :


  • Se faire enregistrer manuellement sur le site de tests si on ne sait pas utiliser les moyens digitaux
  • Communiquer les heures d’enregistrement et la localisation sur le site du personnel en charge de l’enregistrement manuel
  • Fournir le lien de l’application digitale d’enregistrement aux utilisateurs munis de moyens digitaux (smartphone et connexion Internet)
  • Indiquer les prérequis pour s’enregistrer sur la plateforme numérique aux utilisateurs (adresse email, numéro de téléphone, autres champs indispensables…)
  • Indiquer la localisation des personnels en charge des prélèvements pour les tests proprement dits
  • Informer les usagers sur le mécanisme de communication de leurs résultats de tests : le délai, la plateforme numérique ou le fichier papier
  • Informer les usagers sur la communication de leurs résultats avant l’entrée au stade : imprimer son résultat, l’avoir à disposition dans l’application ou dans un fichier digital dans son téléphone.
  • Informer les usagers sur les moyens de contrôle mis en place par les autorités sportives pour garantir l’authenticité des résultats présentés par chaque spectateur.


Mardi matin, vers 7h30, je suis revenu dans le centre des tests et il y avait déjà beaucoup de monde. J’ai alors appris par d’autres usagers qu’il faut au préalable s’inscrire sur la plateforme www.mamalpro.com avant de pouvoir effectuer le tests de dépistage du Covid-19. Le mardi étant déjà le jour du match, la plateforme a été particulièrement lente d’accès et l’enregistrement digital est devenu une vraie épreuve de patience. Lorsque j’ai enfin pu m’inscrire, il a fallu attendre au moins 1 heure afin de recevoir un numéro de Matricule indispensable pour être reçu par les équipes de santé chargées d’effectuer les tests. Muni enfin de mon numéro digital, je me suis rapproché des équipes médicales, puis elles ont rapidement recopié mes informations digitales sur du papier. Je n’ai pas vraiment compris pourquoi cette transition se fit entre les informations stockées sur une plateforme du Minsaté et leur copie sur du papier par les mêmes équipes du Minsanté.


Ayant réalisé mon test mardi matin, je demandai comment je recevrai le résultat et on m’indiqua qu’il serait transmis dans l’application dans l’heure. Confiant, je partis donc. Toute la matinée du 16 novembre, je me suis connecté plusieurs fois dans l’application MAMALPRO, mais je n’ai jamais reçu les résultats de mon test. Je retournai au Centre des tests en début d’après-midi et le personnel de santé continua à m’indiquer que le test serait disponible dans l’application. Ayant déjà attendu toute la matinée, je leur demandai de me communiquer les résultats de mon test, car de ceux-ci dépendait l’achat du billet que je souhaitais effectuer pour me rendre au stade. Il me fut en effet inconcevable de m’y rendre sans le précieux sésame. De plus, à quoi m’aurait servi d’acheter mon billet si après il s’avérait que mon test Covid fût positif ? Ayant donc expliqué longuement la raison pour laquelle il m’était indispensable d’avoir mes résultats de tests covid rapidement, une dame me demanda mon nom, puis aller regarder dans ses documents et m’informa que mon test était négatif. Elle m’affirma ensuite qu’il y aura du personnel à l’entrée du stade qui sera muni des listes des personnes testées afin de confirmer leurs résultats. Cette information me laissa vraiment perplexe, puis je m’en allai.


J’arrivai au stade de Japoma en début d’après-midi afin d’acheter mon billet. Il y avait déjà foule sur place. Des vendeurs de drapeaux, des vendeurs de maillots et de tous types d’objets aux couleurs du Cameroun. Je demandai aux agents des forces de l’ordre s’il était encore possible de payer un billet, puis on m’orienta vers un guichet à l’entrée du stade où je pus facilement acheter mon billet d’entrée. Je vis également quelques stands placés devant le stade, peut-être des points destinés à la réalisation de tests rapides contre le Covid-19. Devant ces stands, la foule trop nombreuse me dissuada d’essayer d’en savoir plus en m’y rapprochant. Le soir, je me rendis au stade et je fus surpris par deux phénomènes : l’éclairage public n’y fonctionnait pas et l’accès à certains parkings auto habituellement ouverts était interdit. Les militaires chargés de la sécurité nous affirmèrent que les parkings étaient déjà plein, ce qui fut loin d’être le cas lorsqu’après de longues minutes, on avait enfin pu trouver une place où garer sa voiture en sécurité, on avait marché plusieurs centaines de mètres pour atteindre enfin l’entrée du stade. Cependant, dans les places de parking improvisées à l’extérieur du stade, des militaires forts sympathiques indiquaient qu’ils veilleraient sur les voitures.


25 mille camerounais avaient-ils pu réaliser leurs tests Covid-19 entre le lundi matin 15 novembre et le mardi soir avant le match ? A mon entrée dans le stade vers 19 heures ce soir-là, je n’avais toujours pas reçu le résultat de mon test covid dans l’application dédiée à cet effet. Il y était pourtant bien indiqué que j’avais effectué mon test, le nom de mon centre et mon numéro matricule attribué par l’application étaient bien visible, mais sur l’espace réservé au résultat du test, il était indiqué en grande lette le mot « INDISPONIBLE ». C’est d’ailleurs cette information qui s’y affiche toujours 4 jours après la date de réalisation de mon test.


Mardi soir, je m’alignai avec les autres spectateurs derrière les grilles d’entrée du stade de Japoma. Je ne vis aucun dispositif de contrôle de code barre permettant de vérifier les résultats des tests. Ça ne signifie pas qu’il n’y en avait pas. Moi je n’en vis pas, détenu par les équipes chargées de contrôler l’entrée de ma file au stade. Certains spectateurs entrèrent en présentant leurs tickets, ainsi qu’une copie d’un test Covid. Etait-ce leur test ? Je ne sais pas. D’autres présentèrent un fichier dans leur Smartphone. Ce fichier était-il le résultat négatif de leur test Covid-19 ? Je ne sais pas. Quant à moi, pour entrer au stade, j’avais mon billet, la page de mon test dans laquelle on indiquait « Test indisponible » et j’avais apporté mon carnet de vaccination anti-covid. C’est d’ailleurs ce carnet que je mis en avant pour rentrer sans trop de tracasseries. En effet, si on avait vérifié mon test, nul doute que j’aurai eu du mal à entrer. Il m’avait pourtant été dit qu’il y aurait des agents munis de listes de spectateurs avec leurs résultats de tests. Entre la théorie et la pratique, il y a toujours un écart très conséquent. Il faut en tenir compte pour le futur.


J’entrai dans Japoma. Plusieurs fois, je suis déjà entré dans ce stade. Mais c’était la toute première fois, en ce 16 novembre que j’y entrai pour un match de notre équipe sénior, les Lions Indomptables du Cameroun. Ma première préoccupation fut de trouver une place où je pourrai regarder le match dans les meilleures conditions. Il faut dire que partout à Japoma, le spectateur a une vue exceptionnelle sur la pelouse. Partout sur les tribunes, on a une vue époustouflante sur cette belle réalisation camerounaise. Tout Japoma est une salle de spectacle géante, de la pelouse aux gradins, en passant par les buvettes nombreuses situées dans l’immense couloir circulaire ceinturant les tribunes couvertes. Des bénévoles nombreux dans le stade m’indiquèrent où je pouvais m’asseoir. Ils n’avaient pour cela besoin que de mon ticket. Je trouvai une place et je m’assis dans le stade qui se remplissait progressivement au fur et à mesure que les vagues de supporters rentraient dans les tribunes. 

Avant le match, les chants s’entendaient dans l’antre de Japoma, des groupes de supporters chantaient des chansons à la gloire de l’équipe nationale ou juste des refrains populaires pour rentrer dans l’ambiance festive qui s’élevait et se diffusait dans tous les gradins. Puis il y eut la première grande manifestation d’enthousiasme d’envergure avec l’entrée du goléador Samuel Eto’o dans sa tribune. Dès que le public le vit, il s’écria en cœur « président, pichichi, Eto’o ». Le goleador salua longuement la foule, puis il prit place dans sa tribune. La deuxième grande manifestation festive fut l’entrée des Lions Indomptables sur la pelouse environ 45 minutes avant le début du match afin de procéder aux échauffements d’avant match. La foule passionnée cria le nom de chacun des joueurs, aidée en cela par le speaker du Stade. Un joyeux anniversaire fut souhaité au solide Zambo Anguissa et tout le stade lui souhaita plein succès en ce jour exceptionnel. La phase d’échauffement terminée, les joueurs retournèrent dans les vestiaires. Les ivoiriens eurent droit à quelques clameurs peu enthousiastes, dans la pure tradition des actes d’intimidation gentille de l’adversaire. Il s’agissait de leur faire savoir que la tâche ne leur serait pas du tout aisée au Cameroun, à Japoma.


Puis les Lions entrèrent sur la pelouse pour le démarrage effectif de la confrontation entre fauves africains. Les Lions du Cameroun contre les Eléphants de côte d’ivoire. Onana, Onguene, Ngadeu, Tolo, Fai, Oum, Zambo, Hongla, Toko, Aboubakar, Moumi, les gladiators camerounais comme on les aime…Première escale du vaisseau en direction de la finale, l’hymne national ; notre chant de ralliement. Tout le stade vibra fort en chantant « Chère Patrie, Terre Chérie, tu es notre seul et vrai bonheur… », à la fin de l’hymne national, j’eus une pensée pour tous nos gardiens, jeunes et vieux défenseurs de la patrie qui sont déjà morts sur le champ d’honneur. Nous étions en effet le 16 Novembre. Je n’avais pas oublié que deux mois plus tôt, le 16 Septembre, l’inadmissible se produisit dans le Ngoke-Tunjia. Je n’oublierai jamais.


Ce que je vis dans ce match, ce fut un artilleur. Ngadeu. L’artillerie prend son élan très loin du front et atteint l’adversaire de façon insoupçonnée pour lui, au cœur de sa stratégie. Ngadeu fut très souvent le point d’envoi de nos attaques. Ses coéquipiers près de lui, lui transmettaient la balle, puis il l’envoyait à la rampe de lancement du deuxième étage Zambo, ou à la tête de pont Aboubakar Vincent. Au milieu de terrain, les grandes puissances musculaires aux souffles infinis Oum et Hongla cassaient toutes les velléités offensives des mastodontes de la Cote d’Ivoire. Quant à Onguene, il agissait comme un fantassin du Génie militaire, il était sobre, mais brutal dans les interceptions de balles. Pour ce qui est de Fai, je l’ai surnommé Mister harnacheur. Il s’accroche à sa proie, l’attache et ne lâche rien jusqu’au bout. En attaque, le trio des génies était à l’œuvre sous la conduite du capitaine Aboubakar Vincent. Quand il marche avant match, on dirait qu’Abou prend ses marques pour savoir où il posera ses pieds de félin pour bondir, tirer, s’échapper des griffes de l’adversaire. Aboubakar Vincent attrape la balle au bond pour en faire ce qu’il veut. Abou est un artiste du ballon rond. Quant à Toko, c’est un lion dans la vélocité de sa course, l’aisance avec laquelle il élimine l’adversaire, l’instantanéité avec laquelle il décoche un tir. Toko a ainsi marqué, sans que quiconque s’attendît à un but, à cet instant-là, à cette position-là, sitôt. Le trio génial est complété par l’homme de devoir Moumi, il prend la balle, il avance vers l’adversaire, l’élimine et sert idéalement un coéquipier. Moumi fait le job, il le fait bien, sans déchet, c’est un maître à jouer tactique indispensable pour notre dispositif reposant sur un collectif de joueurs travailleurs, mouillant le maillot pour le pays. Moumi est l’exemple de la constante solidarité. Puis il y a Onana, la muraille. Une muraille ça sert à ça, être infranchissable quelles que soient les conditions, qui que fût l’adversaire. Onana ajoute à son infranchissabilité, l’élégance des grands professionnels. Chapeau Les Lions ! 


Serge Mbarga Owona.

Mathématicien, poète, écrivain.

dimanche 17 octobre 2021

Cameroun : le conflit dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest à l'épreuve des faits et de l'opinion.

Pourquoi j’écris ce texte ?

En 1982, le président de la République du Niger Seyni Kountché est venu en visite officielle au Cameroun. Le Président de la République de l’Epoque Ahmadou Ahidjo est allé l’accueillir à l’aéroport de Yaoundé. Quelques heures avant le passage du cortège présidentiel, des élèves gendarmes étaient placés sur le parcours présidentiel et dans les quartiers alentours pour assurer la sécurité des Chefs des deux Etats pendant leur trajet vers le Palais présidentiel.

Dans le quartier du Golf à Yaoundé, un camion a déposé des gendarmes et ils ont commencé à demander aux habitants dans chaque maison de fermer les portes et les fenêtres. Les gendarmes le faisaient en expliquant aux habitants que cette mesure était nécessaire pour garantir la sécurité du cortège présidentiel. Le lieu où ces forces militaires demandaient la fermeture des portes et fenêtres se situait à environ 800 mètres de la route principale où allait passer le cortège présidentiel. Devant une des maisons, il y avait un jeune homme d’une vingtaine d’année qui face à la demande des gendarmes répondit « On doit fermer les portes pourquoi ? ». Il s’en suivit une dispute qui aboutit à la fuite du jeune homme en brousse. En effet, en 1982, le quartier du Golf était un endroit retiré de la ville de Yaoundé et il était encore couvert de champs, de marécages et d’une forêt considérable. 

Le jeune homme s’étant enfui, le gendarme se mit à sa poursuite d’abord à travers les maisons du quartier, puis dans la forêt. Quelques minutes plus tard, une déflagration résonna. C’était le bruit d’une arme qui tire. Tout le monde courut se réfugier dans sa maison, puis, quand le calme fut revenu, les habitants sortirent et virent le jeune homme ensanglanté, mourant, porté par les gendarmes, puis mis dans un taxi. Il avait reçu une balle de fusil dans le dos. Je me souviens de ses derniers mots : « Ayissi, ils m’ont tué ». Ayissi était le nom de son frère.

J’écris ce texte, car je n’avais pas 7 ans lorsque ce drame se déroula et pourtant, il m’a marqué à vie. Les questions de la sécurité, de l’ordre dans la patrie et celles de la liberté des citoyens sont fondamentales dans notre pays. Nous devons avancer avec notre bouclier impénétrable : la sécurité. Nous devons avancer avec notre pouvoir indispensable : la liberté.


Caro Louise Ndialle

Le communiqué du Ministère camerounais de la défense publié le jour de ton décès, le jeudi 14 octobre 2021 te donne environ 05 ans. Je ne sais pas pourquoi on ne sait pas déterminer exactement ton âge. Certainement personne ne s’en est préoccupé. Parce que les préoccupations des adultes qui t’ont arraché à la vie sont ailleurs. Les adultes sont parfois ainsi. C’est d’abord eux-mêmes qui sont le centre des intérêts. Ces façons de penser, tu n’auras pas la malchance de les connaître.

Tu as environ 5 ans et tu vas dans ton école en ce Jeudi matin. Tu es assise dans la voiture de ta maman et subitement ta vie a disparu. Tu es désormais au paradis. Repose en Paix Caro Louise Ndialle. Laisse-nous régler le cas de celles et ceux qui ont volé ta vie.


Mvogo Achille

Au moment où j’écris ce texte, je pense à ton père Bodo, à ta maman et à ta sœur jumelle. Dans la foule des textes qui ont été écrits pour te décrire, certain t’appellent « agresseur présumé » et meurtrier de Caro Louise Ndialle. Alors j’ai voulu te connaître et comprendre tes motivations. Ce ne fut pas facile. Mais j’avais un a priori que j’écris très sincèrement, car le patriotisme et l’intégrité sont pour moi deux valeurs fondamentales irréductibles : j’avais un a priori ; tu ne peux pas pointer ton arme à l’intérieur d’une voiture et tirer sur une petite fille qui peut être ta propre fille. Je l’assume cet a priori. 

Tu t’appelles Mvogo, je ne connais pas ton âge, mais je sais que tu es un jeune gendarme camerounais. Je ne connais pas ton grade dans la gendarmerie, tu es un soldat. Ça me suffit. Tu es originaire de la Région du Centre, dans le département de la Lékié, ton arrondissement s’appelle Elig Mfomo. Tu es un Eton du clan Essele. Le mathématicien très célèbre Abdon Atangana et le philosophe émérite Marcien Towa sont des personnalités de ton arrondissement. Ils peuvent être tes parents. Je n’en sais rien.

Beaucoup de choses ont été dites à ton sujet, des choses mauvaises que j’ai lue avec attention et avec toujours une grande réserve. L’esprit critique est une chance qu’il faut toujours garder avec soi et cultiver sans bornes. Parmi toutes ces choses, celle qui m’a le plus choquée fut cette déclaration que certains médias attribuent à ce qu’ils appellent « des sources locales ». Ces médias affirment que leurs sources locales leur ont déclaré que tu as tiré sur la voiture de la maman de Caro parce qu’elle avait refusé de te donner 500F. Alors, ces médias et leurs batteurs de Tam Tam se sont déchaînés. Mvogo a tué un enfant avec une Kalachnikov de l’Etat du Cameroun à cause de 500F. Ici, ton nom est important, car le tribalisme est une affaire primitive qui a la peau dure dans ton pays. On lui arrachera la peau, je te le garantis.


Traditionnaliste profondément ancré dans les cultures et maîtrisant les ressorts indispensables de ta culture mère Ekang, je suis remonté à ta patronymie : Mvogo…Mvogo est issu de Mvog et dans ma langue éwondo, Mvog c’est le lignage. Le lignage est constitué par un ensemble de grandes familles qui ont un lointain ancêtre commun. Mvogo est dérivé de Mvog et signifie celui qui représente son lignage. Mvogo, tu as réduit tout un lignage Essele à 500F ? Bien sûr que Non. Ce n’est pas possible, ce n’est pas la vérité. Nous connaissons beaucoup nos cultures, nous savons ce que signifie un Esselle chez les étons. Cette affaire de 500F que le tribalisme auquel nous allons arracher la peau veut mettre sur ton dos, c’est de la foutaise. De la dangereuse foutaise pensée et diffusée à dessein. Ce n’est pas la vérité, car la réalité est toute autre. Ceux qui ont parlé de 500F l’ont fait volontairement pour salir ton nom, pour salir l’armée, pour salir ton pays.

Tu as commis une bavure Mvogo et ta bavure est grave, car tu as ôté la vie à la joyeuse et innocente Caro Louise. Caro Louise est une « Manë Mouanga Nti» en langue éwondo, un petit enfant de Dieu. Avant de se poser la question du pourquoi, tu as commis une bavure ; car c’est ainsi que ton acte s’appelle dans votre langage militaire, tu as été lapidé, lynché et tué. Quand un militaire commet une bavure, l’Etat représenté par le Ministère de la défense mène une enquête et sanctionne à la hauteur de la faute. Toi tu as été assassiné par une foule qui a filmé son forfait. La foule était désarmée et toi tu étais armé. Mais tu ne t’es pas défendu. C’est tant mieux pour les enquêtes futures de la justice. Nous espérons que tous ceux qui ont porté un coup sur toi, toi le protecteur de l’ordre et de la paix sociale, toutes celles et tous ceux-là sans exceptions seront punis à la hauteur de leurs actions. Pour que cet exemple frappe les esprits une fois pour toutes dans ce pays qui s’appelle le Cameroun. Repose en paix soldat du Cameroun. Meurs sur ce champ d’honneur en paix, vaillant soldat professionnel et Martyr de la République Unitaire Décentralisée.


Le contexte

Depuis cinq ans, des terroristes séparatistes sèment le désordre et la mort dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun. Ils sont d’une brutalité sanguinaire qui donne la nausée à tout le monde normalement constitué. Décapitations, dissections de corps, découpage de membres, de sexes, viols et éventrement de femmes, tueries d’enfants. Régulièrement, les forces de défense et de sécurité les neutralisent et il arrive que les séparatistes tendent des embuscades ou mènent des attaques surprises. Plusieurs policiers, gendarmes et militaires ont déjà été tués. Les chefs militaires donnent des consignes strictes à leurs soldats et leurs demandent d’être extrêmement vigilants. Malgré la sauvagerie bestiale des sécessionnistes terroristes, les commandants militaires et les autorités politiques gardent la main tendue avec notamment l’accueil de chaque repenti dans les centres de Désarment, Démobilisation et Réinsertion (DDR). Les autorités militaires rappellent également constamment aux soldats qu’ils n’ont pas d’ennemis face à eux en tant que tel, car ces sécessionnistes sont des camerounais. Bien que ces camerounais se réclament d’une patrie imaginaire, ils sont camerounais. Ils n’ont pas le choix. Face à ces camerounais agressifs, barbares et d’une sauvagerie abominable, les gradés demandent aux soldats et policiers de savoir distinguer entre un civil et un combattant. Ce n’est pas évident.

Ce n’est pas facile, car les forces de défense et de sécurité sont plongées dans ce qu’on appelle un conflit hybride. Les combattants se réfugient parmi les civils et sont habillés en civils pour tuer par lâcheté. Si vous baissez la garde, vous êtes morts. Certains civils sont complices, d’autres ont peur. Il y a aussi beaucoup de citoyens qui veulent simplement mener leur vie tranquillement et il y a des patriotes là-bas.


Les faits révélés

Le jeudi 14 octobre en matinée, une voiture sans plaque d’immatriculation est arrivée à un contrôle routier sur lequel les forces de défense et de sécurité assurent la paix sociale dans la ville de Buea. Cette voiture avait des vitres teintées et elle n’a pas voulu s’arrêter devant le contrôle. Dans les régions en crise du Cameroun, les contrôles se focalisent sur les questions de sécurité. Toutes les voitures doivent être fouillées afin d’éviter que les armes, les munitions, les explosifs ou tout autre objet dangereux entre dans la ville. Les contrôles sont également destinés à construire une digue contre l’infiltration dans les villes et villages des combattants terroristes cachés dans les brousses et les montagnes. C’est le seul objectif de ces contrôles de sécurité.


La voiture suspecte ne s’est pas arrêtée au contrôle et cette action imprudente et dangereuse de la conductrice a entraîné le tir d’un coup de feu par un gendarme. Malheureusement dans la voiture dont les vitres étaient fumées, un enfant a été tué, atteint par une balle de fusil. Ce coup de feu et les pleurs de la mère ont attiré une foule en colère qui a lynché le gendarme qui en est décédé sans se défendre avec son arme. Le gendarme avait une arme de type Kalachnikov munie d’un chargeur de 30 balles. Il possédait trois autres chargeurs contenant chacun 30 munitions. Face à la foule en furie, il aurait pu faire un carnage. Mais constatant sa bavure, il s’est quasiment laissé arrêter et tuer par la foule. Tous ses collègues qui étaient avec lui sur le poste de contrôle avaient également des armes et des dizaines de chargeurs. Personne n’a tiré sur la foule qui a assailli le gendarme de pierres qui l’ont écrabouillé.


Après l’incident, la foule estimée à une centaine de personnes s’est rendue chez le gouverneur de la région pour exiger justice. Parmi la foule, il y avait l’évêque de la ville de Buea. Le gouverneur a calmé tout le monde en promettant qu’une enquête serait menée. Le coupable présumé était déjà mort. 

L’information, les images et les vidéos du drame se sont répandus sur les réseaux sociaux et il commencé à circuler plusieurs versions des faits, dont celle de la tentative de racket de la dame par le gendarme pour une modique somme misérable de 500F. Or les autorités militaires sont catégoriques, formelles : l’ambiance de crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest ne permet pas ce genre de distractions. L’impératif supérieur est la sécurité et toute la concentration est mise sur la sécurité. Les forces de défense et de sécurité se préoccupent uniquement de la recherche des combattant et de celle des armes lors des contrôles. Il y va de leurs vies et de celles de la population qu’ils doivent protéger. Tous autres documents autres que ceux liés à l’identification des véhicules et des personnes qui sont à l’intérieur ne font pas l’objet de leur contrôle. Il convient de noter que l’histoire du racket a été relayée par des journaux qui se sont appuyés sur la rumeur ou ce qu’ils ont appelé des « sources locales ». Cette affirmation de racket s’est construite à partir de fausses nouvelles malveillantes et est restée vague. La précision tardive des autorités militaires sur l’exigence sécuritaire exclusive a été nécessaire pour rétablir la réalité des faits ; mais le mal était déjà répandu.


Silence on tue à Bamenda.

Le samedi 16 octobre 2021, des terroristes séparatistes sont arrivés dans la ville de Bamenda avec deux captifs. Leurs captifs étaient deux jeunes hommes qui étaient attachés sur les motos et vivants. Ces deux jeunes hommes ont été tués en public. Pendant qu’ils se faisaient tuer, la population a fui. Sur le lieu de leur meurtre, il n’y avait que les deux corps inertes et quelques mouches sans doute. Cette information n’a pas entraîné l’indignation ou la colère de la foule. Il n’y a eu aucun mouvement de foule, aucune protestation notable, ni une marche vers les services du sous-préfet, ceux du préfet ou ceux du gouverneur de la région. Alors, il faut s’interroger et comparer cette attitude avec ce qui avait été vécu deux jours plus tôt à Buea.


A Buea, une voiture a volontairement défié un contrôle routier public destiné à protéger la population. Dans cette voiture, une mère a sacrifié la vie de son enfant. Car, pour nous qui sommes parents, il est absolument impensable que l’on joue avec la vie de sa progéniture dans une zone de crise, devant un poste de contrôle identifié. Quand on commet un tel acte, alors, soit on est fou, soit on est suicidaire, soit on est un combattant qui a décidé d’utiliser tous les moyens de la guerre hybrides pour marquer le coup. Les enfants sont utilisés comme boucliers humains et comme bombes dans de nombreux pays plongés dans les guerres hybrides. Ça s’est déjà vu en Irak, en Syrie, au Nigeria avec Boko Haram. Face à cette menace, le gendarme a fait usage de son arme à feu. Ses supérieurs conviennent de nommer son acte une bavure. Mais étaient-ils eux-mêmes face à la menace imminente que représentait cette voiture aux vitres fumées ? Non. Dans cette voiture, il pouvait y avoir des combattants munis de lance-roquettes, de mitraillettes, de grenades ou de bombes. Le soldat a tiré sur la voiture. Un enfant est mort. C’est une bavure. La foule au lieu d’être tétanisée a été organisée et est venue lyncher le gendarme armé. Professionnel formé à la défense des civils, il s’est laissé lyncher malgré 120 munitions dans son arme. Il aurait pu tirer autant que nécessaire et se suicider pour éviter les coups de pierres sur sa tête et l’humiliation d’être jeté dans le caniveau par des gens qu’il a cru avoir toujours défendus contre la barbarie.


A Bamenda, deux séparatistes ont paradé dans la ville avec deux jeunes garçons qu’ils ont exécutés. Encore heureux qu’il soit raconté que la foule s’est enfuie. Elle aurait pu acclamer ce meurtre public conscient. Quel était l’armement de ces assassins terroristes ? Etaient-ils plus experts dans le maniement des armes que le gendarme Mvogo ? avaient-ils des armes plus puissantes que ce professionnel de la Guerre ? Les terroristes séparatistes avaient-ils plus de munitions que Mvogo et ses collègues ? Je crois que non.

Alors, pourquoi la foule a accouru pour massacrer Mvogo et pourquoi a-t-elle fui pendant que les séparatistes assassinaient paisiblement deux citoyens en plein jour, en plein air, en pleine ville sans que personne ne crie au scandale à Bamenda ou dans les réseaux sociaux ? Où est l’Evêque de Buea qui est allé porter la colère chez le gouverneur ? Où est l’Evêque de Bamenda ? Pourquoi certains journaux et certains politiciens ont-ils mis de l’huile sur le feu quand il s’est agi d’un représentant de la loi et de l’ordre en l’affublant de tous les noms de meurtrier ? Pourquoi sont-ils devenus subitement muets quand deux jeunes camerounais sont été assassinés par les terroristes à Bamenda à peine deux jours plus tard ? J’y réponds en disant :

1- La mort d’un enfant est un choc qui peut entraîner un embrasement. Mais quand des gens sont civilisés, ils ne lapident pas un gendarme. Ils le respectent, ils en ont peur et ils demandent que la justice soit faite. Ensuite ils veillent à ce qu’elle soit faite, que réparation soit faite, que ça ne se reproduise plus et que la paix et la tranquillité soient rétablis.


2- Ces politiciens et ces journaux qui ont relayé et commenté abondamment, vicieusement et malhonnêtement le double drame de Buea ont un intérêt autre que celui de la préservation de la paix au Cameroun. Ils ont une envie autre que celle de la fin la guerre par la victoire de l’Etat de droit du Cameroun dans les régions en crise. Ils ont une volonté : salir le régime actuel qu’ils trouvent impur et malheureusement pour eux, trop fort face à leurs stratégies souvent bancales, tribalistes et reposant sur des soutiens extérieurs opposés aux intérêts du Cameroun.


Pourquoi ce texte ?

Pour poser un regard différent sur le drame qui s’est déroulé à Buea, rappeler un contexte historique, celui de 1982 où enfant ; je vécus la mort d’un civil tué par un gendarme et j’en fus marqué à vie. J’ai écrit ce texte pour rétablir la vérité des faits à propos de l’état de vigilance et de stress extrême dans lequel les forces de défense et de sécurité du Cameroun font leur travail de protection des personnes et des biens dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest. Il faut être vigilant, car le conflit est hybride. Les séparatistes se cachent parmi la population, utilisent la population avec son support ou malgré elle. Il faut être vigilant, car les séparatistes sont armés de fusils et de mitraillettes. Ils ont même des explosifs.

Parce qu’une petite fille Caro Louise Ndialle a perdu la vie. C’est choquant et triste. On doit pouvoir se dire que ça ne doit plus arriver, car ce n’est pas la première fois. Il y a eu Ngarbuh où des enfants sont morts lors d’explosions, Kumba où des enfants ont été tués dans une école. Si une mère décide de forcer un barrage militaire dans une zone en crise alors c’est de la détermination suicidaire. Quand elle décide de le faire en ayant son enfant dans la voiture, c’est une volonté mortifère contre sa propre progéniture. On ne met pas la vie de son enfant en danger. On protège son enfant coûte que coûte quand c’est possible et là c’était possible, il suffisait de s’arrêter sur ce barrage militaire. La vie de la petite Caro Louise a été interrompue à cause de l’action suicidaire de sa maman, mais ce n’est pas sa maman qui lui a ôté la vie. C’est le gendarme Achille Mvogo. Il ne savait pas que l’enfant était dans la voiture aux vitres fumées qui a forcé le barrage. Il a respecté les consignes de sa hiérarchie : les armes et les combattants ne doivent pas entrer dans Buea. Une voiture suspecte qui force un barrage de sécurité et qui s’en va transporte peut-être des armes, des munitions, des combattants, des bombes qui feront des dégâts dans la ville et prendront des vies innocentes.


Parce que la bavure d’un vaillant professionnel qui était dans l’exercice de ses fonctions au service de la nation a été exploitée pour le lyncher en public, le torturer en le lapidant de pierres, le tuer et répandre les vidéos de son assassinat morbide sur les réseaux sociaux. Une foule folle n’a pas eu peur de tuer un représentant de l’état en plein jour, dans une capitale régionale du Cameroun, devant ses collègues représentants de l’Etat de droit immobiles. Achille Mvogo est un professionnel martyr, un bouclier de la Nation qui s’est laissé assassiner pour éviter le carnage qu’il savait son arme puissante et ses 120 cartouches capables de causer. Achille Mvogo n’était pas un voleur, ce n’était pas un poltron, mais un gendarme chargé de mener sa mission régalienne au service d’un Etat de droit. L’Etat doit protéger ses serviteurs, car le pouvoir n’appartient pas à la foule. Non. La foule est folle. Elle n’a ni le droit de juger, ni celui de torturer, ni celui de tuer.


La mort de Mvogo a été utilisée par les agents de la désinformation et leurs semblables les pyromanes qui veulent bouffer tous les bénéfices possibles des difficultés du Cameroun pour provoquer son effondrement dans le chaos généralisé. Ils espèrent ainsi faire tomber ce qu’ils considèrent comme l’ordre établi pour commencer le leur. Un ordre de la sauvagerie, du repli identitaire qu'ils justifient. L'ordre du tribalisme, de la cession de nos intérêts et droits aux forces exogènes de l’oppression et de la soumission. On ne bâtit rien de solide sur le sang. Celui qui s’abreuve de sang ne connaît pas le goût du jour, car c’est un vampire. Il est condamné à errer dans la nuit et à être sévèrement combattu. Ce sont ceux-là qui ont parlé de décapitation dans leurs feuilles de choux. Ce sont ceux-là qui ont répandu la fausse nouvelle du racket du gendarme Mvogo, réduit à un meurtrier de 500F. 


Parce qu’on n’a pas vu de foule en furie le samedi 16 octobre 2021 quand les terroristes primitifs sécessionnistes ont exécuté deux jeunes garçons dans la ville de Bamenda. On n’a pas vu de protestation. Les gens ont fui. L’Evêque de la ville n’est pas allé voir le gouverneur pour exprimer sa colère. Les corps des deux jeunes abattus en public n’ont pas été transportés dans la ville pour demander des comptes à leurs assassins. Lesdits assassins n’ont pas été poursuivis en vue de savoir où ils se cachent. On ne parle pas de les lyncher, non. La foule ne doit lyncher personne dans un Etat de droit. Mais une foule de femmes et d’hommes qui bondit sur un gendarme et qui est silencieuse quand on assassine deux enfants est une foule complice, c’est une foule hypocrite, c’est une foule antipatriotique. Ce texte est destiné à attirer l’attention sur cette donne. Le Cameroun est un et indivisible, mais il y a des camerounais qui aiment leur pays et il y en a d’autres qui soutiennent les ennemis du Cameroun et collaborent avec eux contre les intérêts supérieurs de cette Nation que nous appelons avec fierté, amour et bonheur l’Afrique en Miniature.


Serge Mbarga Owona

Mathématicien, écrivain, poète.

samedi 2 octobre 2021

Le cas malien : regard sur l’instabilité chronique en Afrique.

Introduction: situation géographique malienne 

Le Mali est un pays d’Afrique de l’Ouest qui s’étend sur un très vaste territoire d’une superficie d’un million deux cent quarante un mille kilomètres carrés (exactement 1 241 238 Km²). Cette superficie correspond au double de celle de la France, plus du double de celle du Cameroun, plus du triple de celle de l’Allemagne et plus de 100 fois celle du Qatar. Le Nord du Pays est désertique et plus on va vers le Sud, plus on passe progressivement d’une végétation de type steppe, puis de la savane et enfin de la forêt au sud. Les principales villes sont: Bamako, Kayes, Segou, Sikasso au Sud ; Tombouctou et Mopti au centre, Gao, Kidal et Taoudeni au Nord.


Le peuple malien et son histoire

La Mali a une très grande diversité de populations parlant des langues locales différentes. Les plus grands groupes de populations sont de cultures bambaras, bobos, bozos, dogons, khassonkés, malinkés, miniankas, peuls, sénoufos, soninkés, sonrhaïs, touaregs, toucouleurs. Le français est la langue nationale et plus de 90% de la population est de religion musulmane. Le Mali a hébergé de grands empires africains dont les origines connues datent du 3e siècle de notre ère. Une partie du Mali fut un territoire de l’empire du Ghana du 3e siècle au 13e siècle ; c’est-à-dire pendant plus de mille ans. Puis il y eut l’empire du Mali fondé au 13e siècle par le grand roi Soundiata Keita ; l’empire Songhaï entre le 15e et le 16e siècle ; le Royaume Bambara de Ségou entre le 17e et le 19e siècle ; l’empire Peul du Macina au 19e siècle. Le Mali est conquis par la France à partir de 1888 et il devient indépendant en 1960.


Le Mali indépendant

L’histoire du Mali moderne est marquée par l’élection démocratique de son premier président Modibo Keita, un instituteur socialiste né en 1915. Ce panafricaniste sera renversé après 8 ans d’exercice du pouvoir lors du coup d’Etat militaire de 1968 par l’officier Moussa Traoré, formé à l’école des officiers de Fréjus en France. Moussa Traoré sera président du Mali pendant environ un quart de siècle, de 1968 à 1991. Il sera chassé du pouvoir en 1991, grâce au vent de liberté démocratique qui soufflera sur l’Afrique à la suite de la chute du mur de Berlin entraînant la fin de la guerre froide entre le bloc occidental conduit par les États-Unis et le bloc soviétique de l’URSS (l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques). De 1991 à 2012, pendant 20 ans, le Mali connaîtra une grande période de stabilité politique avec l’arrivée au pouvoir des réformateurs charismatiques Amadou Toumani Touré, un militaire qui renversa Moussa Traoré en 1991, puis sera élu président pendant 10 ans de 2002 à 2012. Avant le réformateur Toumani Touré, le Mali sera dirigé par l’universitaire Alpha Oumar Konaré de 1992 à 2002. Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré furent élu pour des mandats de 5 ans et furent réélus pour un mandat unique de 5 ans conformément à la constitution malienne. Mais en 2012, Amadou Toumani Touré ne put achever son second mandat de chef de l’Etat, car il fut renversé par un coup d’Etat militaire dirigé par le Capitaine Amadou Sanogo.


Le chaos libyen

En Février 2011, une violente contestation débute au nord-est de la Libye, dans la ville de Benghazi à l’est de la Capitale Tripoli. Cette contestation est réprimée par l’Etat libyen qui reprend le contrôle des lieux de révolte. Les contestataires opposés au régime du président libyen Mouamar Kadhafi créent un Conseil National de Transition qui est reconnu par la France et reçu un mois après le début de la révolte à Paris le 10 Mars 2011 par le président français d’alors Nicolas Sarkozy. Le 19 Mars 2011, des raids aériens sont lancés contre la Libye par des avions français aidés par des moyens de surveillance américains. Cette intervention est autorisée par une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies votée à la demande de la France, du Royaume-Uni et du Liban. La résolution 1973 est adoptée sous le chapitre 7 de la charte des Nations Unies. Elle prévoit une zone d’exclusion aérienne en Libye, le gel des avoirs du dirigeant libyen Kadhafi, ainsi qu’une recommandation très vague sur la prise de mesures nécessaires à la protection des civils libyens. 5 pays s’abstiennent de la voter, il s’agit notamment de la Chine, de la Russie, de l’Allemagne, du Brésil et de l’Inde. Le Gabon, le Nigéria et l’Afrique du Sud sont des pays africains ayant voté cette résolution. Il faut noter que la Ligue arabe a accepté et soutenu cette résolution et parmi les participants aux opérations militaires, il y eut le Qatar.

Le 8 septembre 2011, soit 6 mois après l’offensive des troupes rebelles soutenues par la France, les Etats-Unis, le Qatar, la capitale libyenne Tripoli est conquise. Le 20 Octobre 2011, la ville natale de Mouammar Kadhafi est prise par les rebelles après un mois de bataille. Kadhafi est capturé, puis sera tué dans des conditions inexpliquées jusqu’à présent. La mort du Leader libyen sera saluée par la secrétaire d’Etat américaine Hilary Clinton qui dira sur une chaine de télé « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort » ; paraphrasant la phrase connue de l’empereur romain Jules César « Veni, vidi, veci ». La guerre de Libye a entraîné la dislocation de l’Etat libyen, installé un chaos permanent dans la Nation libyenne et entraîné la dissémination des arsenaux militaires libyens entre les mains de nombreux groupes terroristes djihadistes, notamment « les frères musulmans » et « Al-Qaida au Maghreb islamique ».


Djihad à la conquête de Bamako

Après la chute du régime libyen de Mouammar Kadhafi, des soldats sahéliens touaregs et tchadiens qui combattaient dans son armée se replient dans la zone désertique du Sahel, vers leurs pays. Des groupes armés islamistes salafistes djihadistes du réseau terroriste Ansar Dine s’allient au mouvement indépendantiste du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) et déclenchent la guerre de conquête du Mali. Ils sont rejoints par les terroristes d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique) et du MUJAO. Toutes les villes de l’extrême-nord du Mali sont attaquées dès janvier 2012 et rapidement conquises : Aguel'hoc, Ménaka et Tessalit. Cette succession de défaites militaires entraîne une tentative de Coup d’Etat en mars 2012 du Capitaine Amadou Sanogo contre le président Toumani Touré. Les assaillants profitent du chaos causé par le putsch dans l’Etat Malien pour s’emparer de Kidal, et Gao, les principales villes au nord du Mali. L’offensive se poursuit plus au sud et la ville de Tombouctou est également conquise. Le 6 avril 2012, le MNLA estimant que le territoire de l’Azawad qu’il réclame comme nation touarègue est conquis, il annonce la fin de son offensive et proclame l’indépendance de l’Azawad. Un conflit armé éclate ensuite entre les différents groupes en lutte contre l’Etat malien. En janvier 2013, les groupes armés terroristes islamistes djihadistes lancent une vaste attaque vers le sud du Mali et notamment vers les villes de Ségou et Mopti. Mopti est considéré comme une ville verrou. Au cas où elle serait conquise par les djihadistes, la capitale Bamako et l’ensemble du Mali serait également conquis. Ce risque majeur sur l’existence même de l’Etat malien entraîne l’entrée en guerre de la France pour la reconquête du Mali en janvier 2013. C’est l’opération Serval.

Le 10 janvier 2013, les troupes djihadistes attaquent la ville de Konna située à environ 70 kilomètres de Mopti. Cette attaque constitue le retour de l’offensive des troupes djihadistes après neuf mois d’accalmie. Cette attaque est lancée par des dizaines de pickups lourdement armés et remplis de combattants aguerris. Cette attaque entraîne une réaction de la France qui réunit en urgence le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le même jour, le président par intérim du Mali Diocounda Traoré fait parvenir une demande d’aide adressée à la France au Conseil de Sécurité. Le lendemain 11 janvier 2013, le président français demande à son armée d’intervenir au Mali en soutien à l’armée malienne pour repousser les assaillants djihadistes. Le premier assaut des troupes françaises est conduit par les forces spéciales dans des hélicoptères légers d’attaque de type gazelle. Ces hélicoptères engagent le feu contre les forces djihadistes dans la ville de Konna et détruisent plusieurs pickups à l’aide de canons et de missiles. Les troupes djihadistes arrêtent leur offensive et se replient. Au cours de ce premier assaut, un pilote d’hélicoptère français, le lieutenant Damien Boiteux perdra la vie, atteint par une balle. Il sera la première victime française de l’opération Serval. 


Il faut noter qu’en décembre 2012, face à l’occupation du nord du Mali par les groupes terroristes, la résolution 2085 du Conseil de Sécurité des Nations Unies avait autorisé le déploiement d’une mission militaire de soutien à ce pays. Cette mission devait être déployée en septembre 2013, mais l’offensive des groupes djihadistes déclenchée en janvier 2013 anticipe la mise en place de cette mission militaire. Elle viendra en soutien de l’offensive conduite par la France et comptera plusieurs pays de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Le Tchad sous la conduite de son leader Idriss Deby se joindra à cette mission en soutien au Mali et pour combattre le terrorisme djihadiste. A la fin du mois de janvier 2013, les efforts conjugués de la France, de ses pays alliés occidentaux et africains conduisent à la reconquête de l’ensemble du territoire malien. 9 soldats français sont morts pendant cette guerre pour le Mali. Mais cette reconquête laisse la ville de Kidal et la région de l’Azawad revendiquée par le MNLA dans un état incertain. Idriss Deby déclarera par exemple le 31 janvier 2013 : « on n'a pas eu de problèmes avec les gens du MNLA, avec qui on a une très bonne relation d’ailleurs ». Ce point de vue est très loin d’être partagé par les autorités maliennes.


Luttes d'intérêts à Kidal

On voit donc que le Mali fut un pays stable dès la fin de la guerre froide en 1991. Il élira démocratiquement deux présidents plébiscités par le peuple dans le strict respect des deux mandats édictés par la constitution, mais il sera plongé dans la tourmente de l’instabilité à la suite du désordre sahélien causé par l’effondrement de l’Etat libyen et la propagation des armes de tous types issues des arsenaux militaires de ce pays entre les mains d’organisations terroristes djihadistes. Pour ce pays, l’alliance entre les activités terroristes djihadistes et les revendications sécessionnistes de l’organisation, politiques du MNLA entraînera une attaque frontale contre sa stabilité, son unité et son développement paisible. Kidal restera un caillou dans la chaussure de l’Etat malien, car pendant qu’il voudra reconquérir sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire, son sauveur et allié français considérera plutôt qu’il faut accorder une plus grande autonomie aux touaregs du MNLA en lutte de revendication pour l’Azawad. C’est cette protestation et frustration malienne que le président actuel de la transition Assimi Goita exprime lorsqu’il dit :  


« Ce qui a été fait à Konna, Tombouctou, Gao où ce sont les militaires maliens qui ont fait le corps à corps avec les djihadistes. Mais arrivée à Kidal, à Anéfis, à  partir de là, la France a interdit à l'armée malienne de rentrer à Kidal. Pour faire quoi ? Pour retourner à  la convention du 15 septembre 1907. L’Adrar de Ifoghas appartient aux Ifoghas. En faisant quoi ? Interdire à l'armée malienne de rentrer à Kidal, amener les militaires français à Kidal, 4000 militaires avec un budget de près d'un milliard de FCFA par jour. Elle a fait venir les militaires tchadiens et ceux de la MINUSMA, elle a interdit à l'armée malienne de rentrer à Kidal.

Qu'est-ce qu'elle a fait ensuite ? Elle est allée chercher les militaires du MNLA qui étaient refugiés à Ouagadougou et en Mauritanie parce qu'ils étaient chassés par le MUJAO et Ansaredine. Alors que le MNLA ne représentait plus une force militaire ni une force politique, la France les a ramenés, réinstallés à Kidal. Elle est allée extraire une partie d'Ansaredine, (déclarée comme une organisation terroriste par les américains) pour constituer le HCUA (haut conseil pour l'unité de l'AZAWAD). Le HCUA et MNLA réunis font la CMA. C'est à cette CMA que la France a remis Kidal en lieu et place de l'Etat malien.

Je pense que la mère des fautes politiques que l'Etat malien a commis, que nous payons aujourd'hui, que la France paie aujourd'hui, c'est cet acte là que les maliens considèrent comme un acte de trahison. Parce qu'en réalité, elle est sortie de l'accord qui lui a permis de venir au Mali. A partir de ce moment, Kidal a été sanctuarisé et devenu comme un Etat dans l'Etat où le chef de l'Etat malien ne peut pas se rendre sans payer une rançon où le premier ministre ne peut pas se rendre sans payer une rançon. »


Insurrections populaires à Bamako

Malgré la période d’instabilité créées par les conquêtes terroristes en 2012, le Mali a essayé de retrouver une vie normale, un développement constant malgré les difficultés inhérentes à son état de pays pauvre. En avril 2012, un président de la transition, Diacounda Traoré fut désigné pour succéder au putschiste Amadou Sanogo. La transition s’acheva en septembre 2013 avec l’élection du président Ibrahim Boubakar Keita. Le président français François Hollande assista à son investiture le 19 septembre 2013 et fut célébré par le peuple malien en remerciement de l’actions menée par l’armée française contre les armées d’occupation terroristes djihadistes. En 2014, l’opération militaire Barkhane succéda à l’opération Serval, avec pour objectif la lutte contre le terrorisme au Mali et dans la zone sahélienne en général. De 2013 à 2018, Ibrahim Boubakar Keita accomplit son premier mandat présidentiel, puis il fut réélu pour un second mandat en septembre 2018. Ce second mandat sera émaillé de manifestations qui débuteront en juin 2020 sous la conduite d’une autorité religieuse l’Imam Dicko, de membres de la société civile et des parties de l’opposition. Les manifestants reprochent des malversations électorales au parti présidentiel lors des élections législatives au mois d’Avril 2020. Les contestations de rue seront régulières aux mois de Juin et de Juillet et aboutiront au putsch des forces spéciales maliennes sous la conduite du Colonel Assimi Goïta le 24 août 2020.

Parallèlement à la contestation du pouvoir politique élu, il faut noter qu’une partie de la population commençait à s’exaspérer et à manifester contre la longue présence militaire française au Mali dans le cadre de l’opération antiterroriste Barkhane. Cette population demandait bruyamment le départ des troupes françaises. En juin 2021, le Chef de l’Etat français Emmanuel Macron annonce la réduction de la présence de ses militaires au Sahel et donc au Mali. A la fin du mois de septembre 2021, la presse révèle des contacts entre les autorités militaires et la russe à travers sa société de sécurité privée Wagner. La France marqua son refus de voir le Mali s’allier au Groupe de sécurité russe et le fit savoir publiquement et fermement aux autorités maliennes. Le 1er Octobre 2021, le Mali reçut 4 hélicoptères russes de marque MI 171 à la suite d’une commande qui fut passée auprès de l’Etat de Russie et payée sur fonds propres du gouvernement malien. Après la République de Centrafrique qui resserra ses relations militaires avec le Russie, assiste-t-on à un nouveau mouvement stratégique de rapprochement entre Moscou et un autre pays africain francophone ?


Conclusion:

Le Mali est un grand pays africain par sa taille et son histoire très glorieuse. C’est le 8e plus grand pays africain en superficie et son territoire a abrité de très grands royaumes dès le 3e siècle de notre ère. 65% de son territoire est désertique et près de 80% de la population travaille dans le secteur agricole. Il possède un sous-sol riche en matières premières ; bauxite, or (3e producteur d’Afrque), fer, cuivre, nickel, phosphate, manganèse, uranium, lithium, calcaire et le sel. Malgré ce potentiel minier conséquent, il fait partie des 25 pays les plus pauvres du monde. Le sous-sol malien est encore sous exploité et ni l’industrie, ni les services, ni la technologie n’ont encore décollé dans ce pays africain.


Pourquoi le Mali est-il chroniquement instable ? Pays sahélien, le Mali a été entraîné dans le chaos après la chute du régime du Colonel Kadhafi en 2011. En effet, dès janvier 2012, soit 3 mois après la mort du leader libyen, les troupes du MNLA alliées aux islamistes du Mujao, D’ansar Dine et d’Al-Qaeda entrent en guerre au Mali et occupent rapidement les grandes villes du nord de ce pays grâce aux armements libyens répandus par les soldats libyens en déroute et les trafiquants dans toute la zone du sahel. L’Etat malien, militairement faible et déstabilisé par des conflits internes fait appel à la France pour retrouver sa souveraineté. Dans son opération de reconquête, la France est trop bienveillante avec le mouvement sécessionniste touareg du MNLA qui réclame l’indépendance de la zone de l’Azawad potentiellement riche en uranium. Cette attitude entraîne le courroux des nationalistes maliens qui s’orientent dans la diversification de leurs partenariats avec notamment des accords avec la Russie poutinienne pour retrouver la pleine souveraineté de leur territoire et un meilleur développement économique.


Le Mali fut une victime indirecte de la guerre froide avec l’installation du régime tyrannique de Moussa Traoré pendant un quart de siècle. Il aujourd’hui instable à cause du chaos libyen, engendré par la chute du régime de Mouammar Kadhafi. Mais il faut aussi noter que son potentiel minier non négligeable, ainsi que celui de ses voisins proches tels que le Niger nourrissent les appétits des puissances mondiales très agressives pour la garantie de leurs approvisionnements vitaux en ressources énergétiques. Ces appétits entraînent une lutte féroce d’intérêts exogènes pour conserver la mainmise sur le destin de ce pays africain. Les maliens doivent rester unis, soudés dans la défense des intérêts de leur nation. De plus, la voix du progrès est dans la stabilité politique et le développement économique grâce à la formation de leaders, de cadres et de savants d’excellent niveaux, grâce au développement de l’agriculture, grâce à l’exploitation de leurs ressources minières, grâce au développement des infrastructures hospitalières, routières, touristiques et enfin grâce à la création de valeur dans l’industrie et les services technologiques.

Quelques sources d’information :


Le Mali 

L'Etat du Mali

La guerre civile libyenne

Résolution 1973 du Conseil de sécurité

La guerre du Mali

Opération Serval

Opération Barkhane


Le chaos en Libye depuis la chute de Kadhafi

Avec les miliciens qui veulent libérer le Mali

Assimi Goita « Comment l’intervention française est survenue au Mali »

Onze morts et plus de cent blessés au Mali dans des manifestations contre le pouvoir

Macron amorce la réduction de la présence militaire française au Sahel

Coopération militaire : le Mali reçoit quatre hélicoptères russes et vante le partenariat avec Moscou

Le Mali : Un pays africain jeune et riche en or

Guerre au Mali : sécuriser notre approvisionnement en uranium

Le Mali, une destination minière attractive

Au Mali, la France sécurise aussi les sous-sols du Sahel


Serge Mbarga Owona

Mathématicien, poète, écrivain.




jeudi 9 septembre 2021

Coup d’Etat en Guinée : dans la tête de Mamady Doumbouya.

Comment naît, grandit et se réalise un projet de coup d'Etat dans son pays quand on est un guinéen, militaire né en 1980 ?

La Guinée est un pays francophone d'Afrique de l'ouest dont la superficie équivaut environ à la moitié de celle du Cameroun. Sa population estimée à 12 millions 500 mille habitants est aussi la moitié de celle du pays d'Afrique Centrale. Elle n'a pas de ressources en hydrocarbures mais ses ressources minières et notamment en bauxite la placent dans le trio de tête mondial.

En Afrique francophone, la Guinée est connue comme étant le pays qui répondit non par son leader Sekou Touré au président français Charles de Gaulle lors de sa demande d'association à la France en 1958. Elle accéda ainsi immédiatement à son indépendance et connut des actes de déstabilisation de la part de son ancienne puissance coloniale.

Depuis 2010, l'ancien opposant Alpha Condé, intellectuel panafricaniste ayant été étudiant en économie puis enseignant en France dirige ce pays. En 2020, il modifie la constitution afin de pouvoir présenter sa candidature aux élections présidentielles. Ce projet qui fut contraire aux principes qu'il porta lorsqu'il était opposé aux régimes précédents entraîna de vives réactions négatives de la part des opposants à sa politique.

Alpha Condé a engagé de vastes chantiers sociaux et économiques de modernisation et de développement de son pays avec notamment la construction de barrages et de centrales hydroélectriques pour diminuer le déficit en énergie électrique du pays.


Trois principaux groupes ethniques constituent le paysage culturel de la Guinée: les malinkés, les peuls et les soussous. Alpha Condé est issu de l'ethnie forestière Malinké, ainsi que Mamady Doumbouya, le commandant de l'unité des Forces Spéciales de ce pays. La capitale Conakry est construite dans la région côtière Soussou. Le principal opposant à Alpha Condé s'appelle Cellou Dalein Diallo, c'est un guinéen Peul. C'est un pays dont 60% de la population a moins de 25 ans. 8% de la population a plus de 54 ans. L'espérance de vie y est autour de 62 ans.


Sans être dans le secret des dieux, ni dans le salon des faiseurs de roi, le but de cet article est de comprendre comment le dimanche 5 septembre 2021, 500 jeunes guinéens de l'élite des forces de défense de ce pays ayant à leur tête un ancien légionnaire français âgé de 41 ans ont réussi à s'emparer du sommet de cet Etat démocratique africain.

L'armée guinéenne a un effectif de 45 000 hommes répartis dans l'ensemble du territoire. Elle comprend une armée de terre qui compte la quasi-totalité des effectifs. Une armée de l'air qui a un millier d'hommes et une marine d'environ 500 hommes de la mer.

L'armée de terre a un équipement comportant des fusils, des mitrailleuses, des armes lourdes de types mortiers et canons, des véhicules de transport de troupe, des véhicules blindés et quelques chars. L'armée de l'air a de vieux avions de Combat russes cinquantenaires de type Mig 21, des avions de transport, des hélicoptères de transport et des hélicoptères de combat russes performants de type MI 24 surnommés "chars volants", grâce à leur blindage et leur grande puissance de feu. Quant à la marine, ses équipements les plus significatifs sont des patrouilleurs côtiers.


Comme dans la totalité des pays d’Afrique francophone, il y a des forces de gendarmerie en Guinée, ainsi que des forces de police, un service secret de sécurité intérieur et un service de renseignement extérieur. D’un point de vue sécuritaire, la Guinée est un pays qui fonctionne avec ses moyens qui sont ceux d’un pays africain qui bâtit tant bien que mal un Etat capable de protéger son territoire contre les menaces liées au banditisme, aux trafics, au terrorisme et aux influences néfastes de toutes natures ; qu’elles soient intérieures et extérieures.


La Légion Etrangère est un corps d’Elite de l’armée française qui recrute des hommes de toutes nationalités âgés entre 17 et 39 ans. La seule condition posée aux postulants est d’avoir une Carte d’identité ou un passeport en cours de validité au moment du recrutement. Des vérifications du casier judiciaire des candidats sont effectuées pour exclure les criminels de sang, les trafiquants de drogue et les criminels sexuels. Puis un processus de sélection des candidats sur la base de leurs aptitudes physiques et mentales est effectué, avant leur intégration militaire pour un contrat de 5 ans renouvelable. Les légionnaires suivent une formation rude et participent régulièrement aux missions de guerre de la France partout où la république tricolore juge nécessaire de les envoyer.


Mamady Doumbouya est un guinéen de l’ethnie Malinké. Il intègre la Légion Etrangère en France en 2004. Il est alors âgé de 24 ans. Il sera soldat de cette troupe d’élite française au sein du 2e REI, le Régiment Etranger d’Infanterie pendant la durée d’un contrat, c’est-à-dire 5 ans et en sortira avec le grade de Caporal-Chef. Dans l’armée de terre, un Caporal-chef est un militaire du rang. C’est le grade le plus élevé dans la hiérarchie des militaires du rang. Le Caporal-chef est directement en dessous du Sergent qui est le premier grade chez les sous-officiers subalternes.


En 2012, âgé de 32 ans, Mamady Doumbouya est introduit aux autorités guinéennes par le Général de Gendarmerie Aboubakar Sidiki Camara. Le Général Camara est à l’époque le Directeur de Cabinet du Ministre de la défense de Guinée. Cette cooptation lui permet de rencontre l’ambassadeur de Guinée à Paris Amara Camara à qui il fait part de sa volonté de travailler pour son pays.  Grâce à ses états de service à la Légion Etrangère en France et à la recommandation du Général Camara, Mamady Doumbouya devient instructeur dans le Bataillon Autonome de la Sécurité Présidentielle ; l’Unité d’Elite en charge de la protection du Chef de l’Etat guinéen Alpha Condé.


Alpha Condé est un guinéen né le même jour que Mamady Doumbouya, mais 42 ans plus tôt, c’est-à-dire en 1938. Ils sont tous les deux du même signe astrologique, le poisson et ils sont tous deux originaires de la région de Kankan en Haute-Guinée, à l’Est du célèbre et beau massif montagneux du Fouta-Djalon, surnommé le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, car de nombreux cours d’eau y trouvent leur source, tels que le fleuve Sénégal et le fleuve Gambie. Alpha Condé va à l’école primaire et au collège en Guinée. Il obtient son Brevet d’Etudes Primaires et Elémentaires (BEPC), puis il est envoyé en France en 1953, à l’âge de 15 ans. Il est confié au Maire Pierre Mendès France et obtient son baccalauréat à Paris. Il est diplômé en sociologie et docteur en Droit Public de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il sera également enseignant en Droit et Sciences économiques dans cette université.


Pendant ses études supérieures en France, il milite dans le mouvement panafricaniste FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France). En 1970, âgé de 32 ans, il est condamné à mort par Sekou Touré à cause de ses opinions politiques. Alpha Condé rentre en Guinée à 52 ans en 1990 à la faveur de l’ouverture démocratique du pays sous la Présidence du Général Lansana Conté. Il est candidat de l’opposition aux élections présidentielles de 1993 et est battu par le Général Lansana Conté, mais conteste la validité des résultats. 5 ans plus tard en 1998, il est encore Candidat de l’élection Présidentielle, mais il est arrêté et emprisonné. Il obtient une grâce présidentielle après plus de deux ans d’emprisonnement. Lansana Conté est président en Guinée jusqu’à sa mort en 2008. De 2008 à 2010, une période de forte instabilité politique s’installe en Guinée avec notamment l’épisode de la prise du pouvoir par le fantasque Capitaine Moussa Dadis Camara. Alpha Condé est élu président de la République le 21 Décembre 2010 à Conakry. Il est âgé de 72 ans.


En 2015, Alpha Condé est réélu président de la République pour un second et dernier mandat tel que prévu par la constitution guinéenne. Ce mandat s’achève en 2020. Au cours de 10 ans d’exercice de pouvoir démocratique, il est mis au crédit de ce Chef de l’Etat les réalisations structurelles suivantes : L’accroissement de l’énergie électrique disponible pour les entreprises et les ménages de 183 mégawatts à 1400 mégawatts, grâce notamment à la construction de barrages hydroélectriques ; de mini-barrages et de centrales de production d’électricité. La réorganisation du secteur minier et l’attribution de contrats négociés à des entreprises chinoises et russes suscitant la création de milliers d’emplois pour les jeunes. La création de structures sociales en vue de lutter contre la pauvreté. La négociation de prêts avec la Chine pour le financement de projets économiques et sociaux. Malgré ces efforts sur les plans économiques et sociaux, il est reproché à ce progressiste le développement de l’ethnocentrisme néfaste à la construction d’une Nation plus forte.


En 2020, Alpha Condé propose une modification de la constitution afin de briguer un troisième mandat. Ce projet suscite un tollé national et sur le plan international. Le président argue alors qu’il a besoin de plus de temps pour accomplir son œuvre de développement de son pays. Malgré les contestations, la constitution guinéenne est modifiée et le 18 Août 2020, il est réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle obtenant un score de 59,5% des voix contre 33,5% pour son principal opposant Cellou Dalein Diallo. Son nouveau mandat est prévu pour une durée de 6 ans.


Pendant qu’il est instructeur dans la Garde Présidentielle de 2012 à 2017, Mamady Doumbouya est envoyé en stage au Sénégal en 2013, puis au Gabon en 2014. En 2017, âgé de 37 ans et étant instructeur dans la Garde Présidentielle de Guinée, Mamady Doumbouya est envoyé à l’Ecole de Guerre de Paris où il suit des cours accélérés dans cette école supérieure de formation à la stratégie militaire de haut niveau. La Caporal-Chef de la Légion Etrangère en France est déjà alors devenu commandant dans l’armée guinéenne et nommé à la tête du Groupement des Forces Spéciales en 2018. Il a 38 ans. Un an plus tard, en 2019, il est promu Lieutenant-Colonel.


Le dimanche 05 septembre 2021, au petit matin, les 500 soldats d’élite des Forces Spéciales de Guinée prennent position dans les lieux stratégiques qu’ils ont préalablement identifiés dans la ville de Conakry. Ils ont déjà quitté leur base de Kaleya à Forécariah située à 85 kilomètres environ du Palais présidentiel guinéen. La colonne d’assaut est constituée de pickup 4x4 équipés de mitrailleuses lourdes, de camions de transports de troupes dans lesquels les soldats d’élites sont installés, prêts au combat. Ils ont également pris leur matériel constitué d’armes d’assauts, de lances roquettes et de mortiers. Dans ce convoi, un blindé leur sert d’armes d’appui pour défoncer les éventuelles places fortes au Canon mobile.


Face à eux, il y a le Bataillon Autonome de la Sécurité Présidentielle (BASP) dont le camp de base appelé Camp Makambo contient l’essentiel des soldats, tandis que la garde se trouve dans la presqu’ile de Kaloum où est bâti le Palais Présidentiel de Sékhoutouréya. Une partie de l’Unité d’assaut des Forces Spéciales se poste autour du Camp de Makambo afin d’empêcher la sortie des renforts qui pourraient aller prêter main forte aux gardes qui sont en poste au Palais Présidentiel. C’est l’Unité Spéciale des Forces Spéciales qui va directement à l’assaut du Palais. Les trois check-points avant les murs du palais ne font pas le poids devant les armes et surtout les soldats hyper entraînés et ultra spécialisés des forces spéciales. Rapidement, après des échanges de tirs nourris laissant sur le carreau une vingtaine de gardes de la présidence et deux soldats des forces spéciales, le président est arrêté et exhibé dans les réseaux sociaux du monde entier. Doumbouya qui fut instructeur dans la Garde Présidentielle pendant 5 ans connaît évidemment le Palais ainsi que certains des Hommes qui en tiennent les points clés. 


Ce dimanche matin, 05 septembre 2021, l’action des Forces Spéciales de Guinée a été fulgurante, synchronisée, préparée et très précise. Les 45 mille forces armées de Terre, de la Marine et de l’air de la Guinée n’y ont vu que du feu et n’ont entendu que les coups de feu lorsque le soldats d’élites étaient déjà à quelques mètres du Chef de l’Etat. Un véritable Blitzkrieg, la guerre éclair chez les stratèges militaires. Malgré les signaux des services secrets guinéens, malgré les soupçons de prises d’initiatives préoccupantes de la part du charismatique commandant des Forces Spéciales, le Président a conservé sa confiance dans l’unité d’élite qu’il a voulue, qu’il a constituée et qu’il a confiée à son fils de confiance Mamady Doumbouya. La centaine de soldats envoyés en formation quelques mois plus tôt auprès des amis turcs n’auront pas le temps de terminer leurs exercices de perfectionnement pour mieux protéger un Palais Présidentiel que les experts en sécurité militaire trouvaient très médiocrement protégé.


Mamady Doumbouya est un soldat du terrain qui a bénéficié d’une formation de très haut niveau dans la Légion française pendant 5 ans. Il maîtrise l’art du combat : il connaît les armes et il a été à l’épreuve du feu dans la guerre lors des expéditions de la Légion française en Afghanistan et d’autres théâtres d’opération de très haute intensité de combat. Il connaît la psychologie de son patron le Chef de l’Etat Alpha Condé qui lui fait entièrement confiance, car il est un Produit de la diaspora et un Homme issu de la région de Kankan comme lui. En 2017, alors qu’il est instructeur dans la Garde Présidentielle, Doumbouya déclara lors d’un colloque: « Dans mon pays, le président élu démocratiquement agit selon ses intérêts, et doit obligatoirement avoir l’armée à ses côtés pour assurer la stabilité du gouvernement. Il choisira donc son état-major parmi ses proches dont il est certain qu’ils ne le trahiront pas. Et pour ce faire, il ne peut calquer le modèle européen, inapplicable chez nous ».


Mamady Doumbouya connaît les réalités opérationnelles de l’armée guinéenne, il en affiche parfois un profond dédain, lui le légionnaire qui a été au combat pour la France, a été formé dans une unité d’élite de ce pays et a ensuite bénéficié du support très haut placé de la Guinée pour se perfectionner chez les Etats partenaires de la Guinée et dans le creuset de la connaissance stratégique de l’art du combat à l’Ecole de Guerre en France. Il a minutieusement préparé son attaque, il a collecté toutes les informations avec ses soutiens ; agenda du président, temps de réaction des autres unités du pays, lourdeurs de la chaîne de commandement…Il a informé ses hommes des Forces Spéciales qui méritaient d’être dans la confidence en avance et les autres, soldats d’élite ont obéi en militaire au discours de leur leader charismatique. Lui et son état-major ont planifié l’opération, ils ont établi la synchronisation de leurs actions, puis le jour choisi, ils ont lancé l’opération. L’objectif le plus efficient était la capture de la pièce maîtresse, puis de communiquer sur ce fait d’armes rapidement en utilisant la vitesse de l’Internet. Le Blitzkrieg s’est terminé en un échec et mat total.


Un Homme seul et une troupe fût-elle d’élite ne prend pas le pouvoir par sa seule volonté dans un pays certes confronté à de nombreux problèmes, mais un pays qui fonctionne et qui n’est pas en proie à un chaos quotidien. Il y a eu des soutiens nombreux à l’intérieur et à l’extérieur de la Guinée. Mamady Doumbouya a été homme de rang pendant 5 ans de 2004 à 2009 en France. Il devint l’Homme de confiance du Chef de l’Etat de 2012 à 2017, au service de sa garde, puis Patron de l’unité la plus puissante et la mieux équipée du pays à partir de 2018. Ce type de parcours exceptionnel donne un carnet de relations sûres et de supports dans les pays où on est formé. Si en plus on a l’entière confiance du Chef suprême des armées, on fait ce qu’on veut quand on le juge opportun. Mamady Doumbouya a été le porte-drapeau du putsch parce qu’il était certain que le Coup réussirait. Bien évidemment, en homme de terrain, il savait qu’il y aurait des victimes. Mais il s’est dit qu’on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. Et pour paraphraser une expression qu’il a utilisée une fois le pays tombé : quand on connaît bien les forces et les faiblesses de la Guinée, on n’a pas besoin de la violer, on peut la flatter sans trop la contraindre et lui faire l’amour.


La question qui se pose est la suivante : Ce violent schisme guinéen permettra-t-il d’améliorer la situation économique misérable de la majorité de la population et de résoudre les difficultés endémiques de ce pays d’Afrique de l’Ouest? On peut en douter fortement, car Alpha Condé a certes été un leader qui a trahi ses propres engagements en modifiant la constitution pour prolonger son mandat ; Alpha Condé est certes accusé et responsable du développement de l’ethnocentrisme en Guinée, mais Alpha Condé est aussi un Leader auquel on ne connaît pas de pillage des ressources de son pays. C’est un homme intelligent, patient, cohérent et consistant qui consacra plus d’un siècle de sa vie à lutter en état de faiblesse contre les systèmes dictatoriaux de son pays, au prix de sa vie. Quel que fût le patriotisme du Caporal-Chef de la Légion en France devenu Lieutenant-Colonel en Guinée, quel que soit son engagement sincère à travailler pour son pays, un putsch est un arrêt brutal du développement d’un pays. Un militaire d’élite remplit son devoir en soldat d’élite. Le devoir des Forces Spéciales n’est pas de prendre le pouvoir. Non ! Un soldat veille sur les autres, mais ne vient pas au-devant de la scène; au pouvoir, même s’il en a la volonté, la compétence, la puissance et le pouvoir. Il faut savoir choisir ses métiers.


Pour emprunter une fois encore à la métaphore pas comique, mais ridicule des putschistes du Fouta-Djalon, le pouvoir politique au service d’une Nation est une femme séduisante quand on la convoite et qu’on l’observe sans devoir répondre à toutes ses exigences quotidiennes. Quand on commence à lui faire l’amour, on se rend compte qu’elle est complexe, instable, exigeante, et qu’elle est très convoitée de toutes parts par d’autres Etats aux intérêts divergents, on constate qu’il faut la protéger des brigands dont les armes ne sont pas des canons, ni des mitrailleuses, mais des plans astucieux, des pièges pernicieux qu’on ne rencontre pas sur le champ de bataille. Il y a la convoitise des alliés, celles des subalternes qui se voient chefs à la place du chef ; il y a les ennemis de toutes sortes qui dupent les amis, les amènent à retourner leurs vestes plusieurs fois. On en perd rapidement le sommeil pour sombrer dans la folie des grandeurs.


Serge Mbarga Owona

Mathématicien, poète, écrivain.