dimanche 15 août 2021

Cameroun: Bientôt 40 ans de développement (1982 – 2019)

 Le Cameroun obtient son indépendance le 1er Janvier 1960. A l’époque, c’est un pays peuplé de cinq millions d’habitants. Ses principales productions économiques sont agricoles : Cacao, Café, Coton, Banane, Bois précieux. L’exploration pétrolière débute en 1947. Vingt-cinq ans plus tard en 1972 les premières découvertes pétrolières commerciales sont effectuées dans le bassin de Rio Del Rey à l’est de la péninsule de Bakassi. 


Bassin du Rio Del Rey à l’est de la presqu’ile de Bakassi


Le Cameroun s’est-il développé pendant les quatre premières décennies de son indépendance ? Ce développement a-t-il été important au point d’en être suffisamment satisfait ? Voilà quelques questions auxquelles va répondre cet article non pas à l’aide de rhétoriques, d’opinions ou de convictions, mais à l’aide de données factuelles issues de sources sérieuses et rigoureuses, vérifiables par tout le monde.


Pour affirmer qu’un pays s’est développé ou pas pendant une période donnée, il faut analyser des indicateurs économiques standards pendant cette période. J’en ai choisi cinq qui sont :


  1. Le nombre d’habitants
  2. L’évolution du taux de mortalité infantile
  3. L’espérance de vie à la naissance
  4. Le Produit Intérieur Brut
  5. L’indice de Développement humain


Pour apprécier l’importance d’un développement, il faut pouvoir le comparer avec celui d’autres pays au cours de la même période. J’en ai choisi quatre autres :

  • La Côte d’Ivoire
  • Le Ghana
  • Le Kenya
  • La Tanzanie

Parmi les quatre pays choisis pour comparer leur développement à celui du Cameroun depuis 1982, il y a un pays francophone et trois pays anglophones. Le pays francophone choisi, la Cote d’Ivoire est celui qui se rapproche le plus du Cameroun en termes de nombre d’habitants, de structures économique avec notamment une production agricole basée sur des cultures de base destinées à l’exportation notamment le Cacao et le Café. C’est un pays d’Afrique de l’Ouest appartenant à l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine). Sa monnaie est le Franc CFA (Franc de la Communauté Financière Africaine).

Le Ghana est un pays anglophone d’Afrique de l’Ouest qui est choisi pour sa taille en termes de population pas très éloignée de celle du Cameroun, pour sa stabilité politique, pour son dynamisme économique marqué notamment par la possession d’une monnaie nationale, le Cédi.

Le Kenya et la Tanzanie sont deux autres pays anglophones dont la population est beaucoup plus importante. Ils sont choisis comme éléments de comparaison avec le Cameroun grâce à leur stabilité politique, leur dynamisme économique et leur localisation géographique en Afrique de l’Est. La monnaie nationale du Kenya est le Shilling Kenyan et celle de la Tanzanie est le Shilling Tanzanien.


I. Le nombre d’habitants du Cameroun entre 1982 et 2019.

Cet indicateur est utilisé pour donner un ordre d’idée sur la population camerounaise, car c’est elle qui constitue la force vive responsable du développement du pays. Puisque ce sont d’abord les camerounais qui développent leur pays, il est important de connaître combien ils étaient en 1982 et combien ils sont en 2019. C’est un indicateur qui est également important, car il permet de comparer l’évolution de la population camerounaise avec celle de pays dont la population est d’un volume non pas égal, mais similaire. Ni trop inférieur, ni exagérément supérieur.

En 1982, il y avait environ 9 millions de camerounais, la population du pays a quasiment triplé en près de 40 ans, atteignant aux alentours de 26 millions d’habitants en 2019.

Dans le graphique ci-dessous, on voit que le nombre d’habitants du Cameroun et celui de la Côte d’Ivoire sont pratiquement confondus, tandis que la population du Ghana et surtout celles du Kenya et de la Tanzanie sont largement supérieures à celles du Cameroun.

En 2019, il y a environ 26 millions de camerounais, 26 millions d’ivoiriens, 31 millions de ghanéens, 53 millions de kenyans et 58 millions de tanzaniens.


II. L’évolution du Taux de Mortalité Infantile du Cameroun entre 1982 et 2019.

Le Taux de mortalité est un chiffre qui indique le nombre d’enfants qui meurent avant l’âge de 5 ans sur un ensemble donné de 1000 enfants naissant dans un pays.

  • En 1982, sur un échantillon de mille enfants qui naissaient au Cameroun, 113 mourraient avant d’atteindre l’âge de 5 ans. En 2019, sur 1000 enfants qui naissent, 50 meurent avant d’atteindre l’âge de 5 ans.
  • En 1982, sur un échantillon de mille enfants qui naissaient en Côte d’Ivoire, 111 mourraient avant d’atteindre l’âge de 5 ans. En 2019, sur 1000 enfants qui naissent en Côte d’Ivoire, 58 meurent avant d’atteindre l’âge de 5 ans.

Tableau comparatif des taux de mortalité infantile en 1982 et 37 ans plus tard au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.


Les cinq pays de notre tableau comparatif ont réduit la mortalité des enfants de moins de 5 ans entre 1982 et 2019.

Sur la liste des 5 pays, le Cameroun avec 56% de réduction de la mortalité infantile occupe la 3e place derrière le Ghana (67%) et la Tanzanie (66%). Il réalise une meilleure performance que le Kenya (53%) et le côte d’Ivoire (48%).

En résumé sur la lutte contre la mortalité infantile entre 1982 et 2019, nous avons le classement suivant:

  1. Ghana
  2. Tanzanie
  3. Cameroun
  4. Kenya
  5. Côte d’Ivoire

Tableau montrant l’évolution annuelle des Taux de mortalité Infantile au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie de 1982 à 2018.


Ce graphique nous montre que le Kenya a toujours eu une Mortalité infantile faible comparé aux quatre autres pays. Cette mortalité a augmenté de 1988 à 1992, mais à partir de 1993, elle diminue régulièrement.

Le Ghana a une mortalité infantile qui diminue régulièrement et on note qu’en 1989, alors que la mortalité infantile diminue au Ghana, elle augmente régulièrement au Cameroun de 1991 à 1997. A partir de 1998, la mortalité infantile recommence à diminuer au Cameroun. La diminution s’est accélérée entre 2010 et 2019 avec des taux compris entre 3% et 4% alors que précédemment, elle était entre 1% et 2% en moyenne.

La Tanzanie réalise une performance remarquable par rapport au Cameroun en obtenant une meilleure baisse de sa mortalité infantile à partir de 1997, tandis que celle du Cameroun stagne. De 1997 à 2019, la mortalité infantile baisse en moyenne de 4% en Tanzanie, pendant que la baisse n’est que de 3% au Cameroun.

III. L’espérance de vie à la naissance au Cameroun de 1982 à 2019.

L’espérance de vie dans un pays est la durée moyenne de la vie des habitants de ce pays. L’espérance de vie dépend de plusieurs facteurs, l’alimentation, l’activité sportive, la qualité du système de santé, l’équilibre psychologique des individus. Elle est une des expressions de l’amélioration de la qualité de la vie dans un pays. Dans les pays où les individus vivent mieux, ils vivent aussi plus longtemps.

Tableau comparatif de l’espérance de vie en 1982 et 36 ans plus tard en 2018 au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.


Les cinq pays de notre tableau comparatif ont allongé l’espérance de vie de leurs habitants entre 1982 et 2019.

Au Cameroun, l’espérance de vie a été rallongé de 6 ans, il en a été pareil en Côte d’Ivoire. Au Ghana, l’espérance de vie a été rallongée de 11 ans ; 8 ans au Kenya et 15 ans en Tanzanie.

Sur la liste des 5 pays, le Cameroun et la Côte d’Ivoire sont ceux qui réalisent la moins bonne performance sur le rallongement de l’espérance de vie de leurs habitants. Dans ces deux pays, les habitants n’ont gagné de 6 ans de vie en entre 1982 et 2018.

La Tanzanie est le pays qui réalise la meilleure performance, car sur la même période, les tanzaniens ont gagné 15 années de vie supplémentaire.

En résumé sur le rallongement de l’espérance de vie entre 1982 et 2018, nous avons le classement suivant :

  1. Tanzanie (15 ans)
  2. Ghana (11 ans)
  3. Kenya (8 ans)
  4. Cameroun (6 ans)
  5. Côte d’Ivoire (6 ans)

Dans l’analyse de l’indicateur sur l’espérance de vie, il y a certes la performance sur la rallonge, mais il y a aussi la durée absolue de l’espérance de vie dans chacun de ces pays en 2018. Cet autre regard sur l’espérance de vie donne le classement suivant :

  1. Kenya (66 ans)
  2. Tanzanie (65 ans)
  3. Ghana (63 ans)
  4. Cameroun (58 ans)
  5. Côte d’Ivoire (57 ans)

Tableau montrant l’évolution annuelle des Espérances de vie au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie de 1982 à 2018.

 


Sur ce tableau, on remarque que l’Espérance de vie au Cameroun était supérieure à celle de la Tanzanie jusqu’en 1999 et en 19 ans, la Tanzanie a gagné 14 points d’Espérance de vie, pendant que le Cameroun n’en gagnait que 8.

IV. L’évolution du Produit Intérieur Brut du Cameroun de 1982 à 2019.

Le PIB (Produit Intérieur Brut) est un indicateur économique qui mesure la valeur de l'ensemble des biens et services produits sur le territoire d'un pays donné au cours d'une période donnée quelle que soit la nationalité des producteurs présents sur ce territoire.

Les biens peuvent être des ressources minières, des ressources agricoles, des machines-outils, etc. Les services peuvent être des offres de télécommunication, des services éducatifs, hospitaliers, administratifs, des services à la personne (agent d’entretien, aide-ménagère, …) etc.

Dans cet article, la période de référence considérée pour la mesure du PIB est l’année.

Tableau comparatif des PIB par habitants exprimés en dollars en 1982 et 37 ans plus tard en 2019 au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.

Comparé à la Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et à la Tanzanie, le Cameroun a effectué la moins bonne performance sur la création des richesses rapportée à l’évolution de la population camerounaise entre 1982 et 2019.

Que ce soit en valeur absolue lorsqu’on fait la différence entre les richesses moyennes de chaque habitant en 2019 et les richesses en 1982, ou en valeur relative pour exprimer le pourcentage d’évolution du PIB entre 1982 et 2019, le Cameroun a également effectué la moins bonne performance, comparé aux 4 autres pays.

Sur le graphique ci-dessous montrant l’évolution des PIB des 5 pays (Cameroun, Cote d’Ivoire, Ghana, Kenya et Tanzanie), on note que jusqu’à 2009, le Cameroun avait le PIB par habitant le plus élevé avec une valeur de 1315 dollars. Mais à partir de 2010, ce PIB décroit fortement.

En rapprochant cette évolution des PIB par habitants avec la production Pétrolière du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Ghana, on remarque qu’après son pic de production pétrolière en 1985 (185 millions de barils), la production du Cameroun baisse inexorablement d’années en années.

En 2010, le PIB par habitant du Ghana (1299 dollars) devient légèrement supérieur à celui du Cameroun (1287 dollars) et en 2011, avec le pic de croissance de la production pétrolière au Ghana (de 7 à 77 millions de barils entre 2010 et 2011), son PIB devient très largement supérieur à celui du Cameroun (1549 dollars pour le Ghana et 1405 dollars pour le Cameroun).

En 2014, le PIB par habitant de la Côte d’Ivoire (1561 dollars) devient supérieur à celui du Cameroun (1543 dollars). En 2014, la production de pétrole de la Côte d’Ivoire est régulière autour de 36 millions de barils par an, soit un peu moins que la production pétrolière du Cameroun (75 millions de barils).

En 2015, le PIB par habitant du Kenya (1337 dollars) devient supérieur à celui du Cameroun (1328 dollars). Le Kenya a une croissance régulière de son PIB depuis 2008. Cette croissance régulière s’accélère légèrement entre 2010 et 2019, atteignant une valeur moyenne de 7% pendant que dans la même période, la croissance du PIB du Cameroun est de 2% en moyenne.

 


De 2010 à 2019, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Kenya et la Tanzanie ont respectivement des taux de croissance de leurs PIB égaux à 9%, 7%, 7% et 5%. Dans le même temps, la croissance moyenne du PIB du Cameroun est égale à 2%.

Le Ghana et la Cote d’Ivoire ont bénéficié du développement de leur secteur pétrolier pendant que celui du Cameroun est en décroissance constante. Quant au kenya et à la Tanzanie, ils ont su développer la croissance de leurs PIB, en les maintenant solides et réguliers entre 2010 et 2019.

Le PIB du Cameroun a connu plusieurs fluctuations qui s’expliquent par de nombreux évènements : dévaluation du FCFA en 1994. Décrochage en 2010 à la suite de la crise financière de 2008, guerre contre Boko Haram depuis 2014, entraînant une baisse du PIB en 2015. Le graphique ci-dessous montre les différentes fluctuations du PIB camerounais :


De 1982 à 2011, le Cameroun a maintenu le PIB par habitant le plus élevé (1315 dollars), comparé à ceux de la Côte d’Ivoire (1215 dollars), du Ghana (1078 dollars), du Kenya (905 dollars) et de la Tanzanie (695 dollars).

Globalement sur la période 1982 – 2019, le Cameroun a effectué la moins bonne performance de la croissance du PIB par habitant tant en valeur absolue qu’en valeur relative.

Chiffres des performances du PIB par habitant en valeur absolue en 1982 et 2019 :

  1. Ghana (1856 dollars)
  2. Kenya (1454)
  3. Côte d’Ivoire (1413)
  4. Tanzanie (900)
  5. Cameroun (708)

Chiffres des performances de la croissance du PIB par habitant entre 1982 et 2019 :

  1. Ghana (536%)
  2. Tanzanie (405%)
  3. Kenya (401%)
  4. Côte d’Ivoire (164%)
  5. Cameroun (89%)

Chiffres de la valeur du PIB par habitant en 2019 :

  1. Côte d’Ivoire (2276 dollars)
  2. Ghana (2202 dollars)
  3. Kenya (1817 dollars)
  4. Cameroun (1507 dollars)
  5. Tanzanie (1122 dollars)


V. L’évolution de l’Indice de Développement Humain du Cameroun entre 1982 et 2019.

L’Indice de Développement Humain (IDH) est un indicateur qui permet de mesurer la qualité de vie moyenne de la population d’un pays. Cet indice va de 0 à 1. La valeur 1 signifie que la qualité de vie est idéale dans un pays. L’IDH tient compte de trois composantes du développement humain :

  • La possibilité d’avoir une vie longue et en bonne santé grâce à la mesure de l’espérance de vie à la naissance.
  • Le niveau de scolarisation en prenant en compte le taux d’analphabétisme et l’accès des élèves aux différents niveaux du système scolaire (Primaire, secondaire, universitaire).
  • Le standard de vie calculé à partir du Produit Intérieur Brut et en tenant compte de la parité du Pouvoir d’Achat.

Tableau comparatif des valeurs de l’Indice de développement humain en 1985 et 32 ans plus tard en 2017 au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et en Tanzanie.


Evolution annuelle des indices de développement humains du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Kenya et de la Tanzanie de 1985 à 2017

 


Ce graphique montre que le Cameroun a une progression régulière de son IDH derrières ceux du Ghana et du Kenya. Les valeurs de l’IDH de la Tanzanie suivent la même tendance croissante que celles du Cameroun, alors que la Côte d’Ivoire a un IDH qui évolue de façon moins affirmée comparé à ceux des quatre autres pays indiqués dans le graphique.

Un zoom sur l’évolution de l’IDH du Cameroun montre que les conditions de vie s’améliorent au Cameroun depuis 1982.

Après une baisse de son IDH entre 1990 et 1994, le Cameroun poursuit l’amélioration des conditions de vie de ses habitants, la scolarisation des jeunes et le développement de son économie.

Chiffres des performances de l’IDH en 2017 :

  1. Ghana (0592)
  2. Kenya (0590)
  3. Cameroun (0556)
  4. Tanzanie (0538)
  5. Côte d’Ivoire (0492)

En analysant la croissance de la Population du Cameroun, l’évolution du taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, l’espérance de vie à la naissance, le Produit Intérieur Brut (PIB) et l’Indice de développement Humain (IDH) entre dans la période comprise globalement entre 1082 et 2019 on obtient les valeurs rigoureuses suivantes :

En comparant les performances du Cameroun à celles de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Kenya et de la Tanzanie sur la même période, on obtient les positions ci-dessous :


Sur la base des valeurs ci-dessus, le classement des pays les plus performants dans la conduite de leur développement pour la période débutant en 1982 et s’étendant jusqu'en 2019 est le suivant :

  1. Ghana
  2. Kenya
  3. Tanzanie
  4. Cameroun
  5. Côte d’Ivoire

Sources de données:


Serge Mbarga Owona

Mathématicien, Poète, Ecrivain.

Chef de Département Produits et Services Télécoms

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